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Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/535

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représentation se trouve parmi les êtres possibles dans les idées de Dieu, accompagné de telles circonstances individuelles et qui entre autres prédicats a aussi celui d’avoir avec le temps une telle postérité ; Dieu, dis-je, le choisissant a déjà égard à sa postérité, et choisit en même temps l’un et l’autre. En quoi je ne saurais comprendre qu’il y ait du mal. Et s’il agissait autrement, il n’agirait point en Dieu. Je me servirai d’une comparaison. Un prince sage qui choisit un général dont il sait les liaisons, choisit en effet en même temps quelques colonels et capitaines qu’il sait bien que ce général recommandera et qu’il ne voudra pas lui refuser pour certaines raisons de prudence, qui ne détruisent pourtant point son pouvoir absolu ni sa liberté. Tout cela a lieu en Dieu par plus forte raison. Donc, pour procéder exactement, il faut considérer en Dieu une certaine volonté plus générale, plus compréhensive, qu’il a à l’égard de tout l’ordre de l’univers, puisque l’univers est comme un tout que Dieu pénètre d’une seule vue, car cette volonté comprend virtuellement les autres volontés touchant ce qui entre dans cet univers, et parmi les autres aussi celle de créer un tel Adam, lequel se rapporte à la suite de sa postérité, laquelle Dieu a aussi choisie telle ; et même on peut dire que ces volontés du particulier ne diffèrent de la volonté du général que par un simple rapport, et peu près comme la situation d’une ville considérée d’un certain point de vue diffère de son plan géométral ; car elles expriment toutes tout l’univers, comme chaque situation exprime la ville. En effet, plus on est sage, moins on a de volontés détachées, et plus les vues et les volontés qu’on a sont compréhensives et liées. Et chaque volonté particulière enferme un rapport à toutes les autres, afin qu’elles soient les mieux concertées qu’il est possible. Bien loin de trouver la dedans quelque chose qui choque, je croirais que le contraire détruit la perfection de Dieu. Et à mon avis il faut être bien difficile ou bien prévenu pour trouver dans des sentiments si innocents, ou plutôt si raisonnables, de quoi faire des exagérations si étranges que celles qu’on a envoyées à V. A. Pour peu qu’on pense aussi à ce que je dis, on trouvera qu’il est manifeste ex terminus. Car par la notion individuelle d’Adam j’entends certes une parfaite représentation d’un tel Adam qui a de telles conditions individuelles et qui est distingue par la d’une infinité d’autres personnes possibles fort semblables, mais pourtant différentes de lui (comme toute ellipse diffère du cercle, quelque approchante qu’elle soit), auxquelles Dieu l’a