Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/552

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décrets qui font la conséquence est ajoutée a la première supposition de la résolution de Dieu de créer Adam, qui faisait l’antécédent (pour faire un seul antécédent de toutes ces suppositions ou résolutions) ; il est vrai, dis-je, qu’alors la conséquence s’achève.

Comme j’avais déjà touché en quelque façon ces deux réponses dans ma lettre envoyée à Mgr le Landgrave, M. Arnaud fait ici des répliques qu’il faut considérer. Il avoue de bonne foi d’avoir pris mon opinion, comme si tous les événements d’un individu se déduisaient, selon moi, de sa notion individuelle, de la même manière et avec la même nécessité qu’on déduit les propriétés de la sphère de la notion spécifique ou définition ; et comme si j’avais considéré sa notion de l’individu en lui-même, sans avoir égard à la manière de laquelle il est dans l’entendement ou volonté de Dieu. « Car, dit-il, il me semble qu’on n’a pas accoutumé de considérer la notion spécifique d’une sphère par rapport à ce qu’elle est représentée dans l’entendement divin, mais par rapport à ce qu’elle est en elle-même, et j’ai cru qu’il en était ainsi de la notion individuelle de chaque personne ; » mais il ajoute que maintenant qu’il sait que c’est là ma pensée, cela lui suffit pour s’y conformer en recherchant si elle lève toute la difficulté, dont il doute encore. Je vois que M. Arnaud ne s’est pas souvenu ou du moins ne s’est pas soucié du sentiment des cartésiens, qui soutiennent que Dieu établit par sa volonté les vérités éternelles, comme sont celles qui touchent les propriétés de la sphère ; mais, comme je ne suis pas de leur sentiment, non plus que M. Arnaud, je dirai seulement pourquoi je crois qu’il faut philosopher autrement de la notion d’une substance individuelle que de la notion spécifique de la sphère. C’est que la notion d’une espèce n’enferme que des vérités éternelles ou nécessaires ; mais la notion d’un individu enferme sub ratione possibilitatis ce qui est de fait ou ce qui se rapporte à l’existence des choses et au temps, et par conséquent elle dépend de quelques décrets libres de Dieu considérés comme possibles, car les vérités de fait ou d’existence dépendent des décrets de Dieu. Aussi la notion de la sphère en général est incomplète ou abstraite, c’est-à-dire on n’y considère que l’essence de la sphère en général ou en théorie sans avoir égard aux circonstances singulières, et par conséquent elle n’enferme nullement ce qui est requis à l’existence d’une certaine sphère ; mais la notion de la sphère qu’Archimède a fait mettre sur son tombeau est accomplie et doit enfermer tout ce qui appartient au sujet de cette forme. C’est pour-