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Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/553

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quoi dans les considérations individuelles ou de pratique, quæ versantur circa singularia, outre la forme de la sphère, il y entre la matière dont elle est faite, le lieu, le temps et les autres circonstances qui, par un enchaînement continuel, envelopperaient enfin toute la suite de l’univers, si l’on pouvait poursuivre tout ce que ces notions enferment. Car la notion de cette particelle de matière dont cette sphère est faite enveloppe tous les changements qu’elle a subis et subira un jour. Et selon moi chaque substance individuelle contient toujours des traces de ce qui lui est jamais arrivé et des marques de ce qui lui arrivera à tout jamais. Mais ce que je viens de dire peut suffire pour rendre raison de mon procédé.

Or, M. Arnaud déclare qu’en prenant la notion individuelle d’une personne par rapport à la connaissance que Dieu en a eue, lorsqu’il a résolu de la créer, ce que je dis de cette notion est très certain ; et il avoue de même que la volonté de créer Adam n’a point été détachée de celle qu’il a eue à l’égard de ce qui est arrivé à lui et à sa postérité. Mais il demande maintenant si la liaison entre Adam et les événements de sa postérité est dépendante ou indépendante des décrets libres de Dieu, « c’est-à-dire, comme il s’explique, si ce n’est qu’en suite des décrets libres, par lesquels Dieu a ordonné tout ce qui arriverait à Adam et à sa postérité, que Dieu a connu ce qui leur arriverait, ou s’il y a, indépendamment de ces décrets, entre Adam et les événements susdits une connexion intrinsèque et nécessaire ». Il ne doute point que je ne choisisse le second parti, et, en effet, je ne saurais choisir le premier, de la manière qu’il vient d’être expliqué ; mais il me semble qu’il y a quelque milieu. Il prouve, cependant, que je dois choisir le dernier, parce que je considère la notion individuelle d’Adam comme possible en soutenant que parmi une infinité de notions possibles Dieu a choisi celle d’un tel Adam ; or, les notions possibles en elles-mêmes ne dépendent peint des décrets libres de Dieu.

Mais c’est ici qu’il faut que je m’explique un peu mieux ; je dis donc que la liaison entre Adam et les événements humains n’est pas indépendante de tous les décrets libres de Dieu ; mais aussi elle n’en dépend pas entièrement de telle sorte, comme si chaque événement n’arrivait ou n’était prévu qu’en vertu d’un décret particulier primitif fait à son égard. Je crois donc qu’il n’y a que peu de décrets libres primitifs qu’on peut appeler lois de l’univers, qui