Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/607

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Cependant je ne désapprouve nullement qu’on dise les esprits causes occasionnelles et même réelles en quelque façon de quelques mouvements des corps, car, à l’égard des résolutions divines, ce que Dieu a prévu et préétabli à l’égard des esprits a été une occasion qui l’a fait régler ainsi les corps d’abord, afin qu’ils conspirassent entre eux suivant les lois et forces qu’il leur donnerait, et comme l’état de l’un est une suite immanquable, quoique souvent contingente et même libre ; de l’autre, on peut dire que Dieu fait qu’il y a une connexion réelle en vertu de cette notion générale des substances, qui porte qu’elles s’entr’expriment parfaitement toutes, mais cette connexion n’est pas immédiate, n’étant fondée que sur ce que Dieu a fait en les créant.

Si l’opinion que j’ai, que la substance demande une véritable unité, n’était fondée qué sur une définition que j’aurais forgée contre l’usage commun, ce ne serait qu’une dispute des mots, mais outre que les philosophes ordinaires ont pris ce terme et peu près de la même façon distinguendo unum par se et unum per accidens, formamque substantialem et accidentalem, mixta imperfecta et perfecta, naturalia et artificialia ; je prends les choses de bien plus haut, et laissant là des termes : je crois que là, où il n’y a que des êtres par agrégation, il n’y aura pas même des êtres réels ; car tout être par agrégation suppose des êtres doués d’une véritable unité, parce qu’il ne tient sa réalité que de celle de ceux dont il est composé, de sorte qu’il n’en aura point du tout, si chaque être dont il est composé est encore un être par agrégation, ou il faut encore chercher un autre fondement de sa réalité, qui de cette manière s’il faut toujours continuer de chercher ne se peut trouver jamais. J’accorde, Monsieur, que dans toute la nature corporelle il n’y a que des machines (qui souvent sont animées), mais je n’accorde pas qu’il n’y ait que des agrégés de substances, et s’il y a des agrégés de substances, il faut bien qu’il y ait aussi des véritables substances dont tous les agrégés résultent. Il faut donc venir nécessairement ou aux points de mathématique dont quelques auteurs composent l’étendue, ou aux atomes d’Épicure et de M.  Cordemoy (qui sont des choses que vous rejeter avec moi), ou bien il faut avouer qu’on ne trouve nulle réalité dans les corps, ou enfin il y faut reconnaître quelques substances qui aient une véritable unité. J’ai déjà dit dans une autre lettre que le composé des diamants du Grand-Duc et du Grand-Mogol se peut appeler une paire de diamants, mais ce n’est