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Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/66

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nouveaux essais sur l’entendement

auparavant. Je trouve les vrais principes des choses dans les unités des substances que ce système introduit et dans leur harmonie préétablie par la substance primitive. J’y trouve une simplicité et une uniformité surprenantes, en sorte que l’on peut dire que c’est partout et toujours la même chose aux degrés de perfection près. Je vois maintenant ce que Platon entendait, quand il prenait la matière pour un être imparfait et secondaire ; ce qu’Aristote voulait dire par son antéléchie ; ce que c’est que la promesse que Démocrite lui-même faisait d’une autre vie, chez Pline ; jusqu’où les sceptiques avaient raison en déclamant contre les sens ; comment les animaux sont en effet des automates, suivant Descartes, et comment ils ont pourtant des âmes et du sentiment selon l’opinion du genre humain ; comment il faut expliquer raisonnablement ceux qui ont logé vie et perception en toutes choses, comme Cardan[1], Campanella[2], et mieux qu’eux feu Mme la comtesse de Connaway, platonicienne, et notre ami feu M. François Mercure Van Helmont[3] (quoique d’ailleurs hérissé de paradoxes inintelligibles) avec son ami feu M. Henri Morus[4] ; comment les lois de la nature (dont une bonne partie était ignorée avant ce système) tirent leur origine des principes supérieurs à la matière et que pourtant tout se fait mécaniquement dans la matière, en quoi les auteurs spiritualisant, que je viens de nommer, avaient manqué avec leurs archées, et même les cartésiens,

  1. Cardan, médecin, naturaliste, mathématicien, philosophe, l’un des personnages les plus étranges dlu xvie siècle, est né à Paris en 1501, et mort à Rome en 1576. Ses œuvres forment 10 vol. in-fol. Lyon, 1631. Les principales sont le Theognoston, le De Consolatione, les traités De Natura, De Immortatitate animarum, De Uno, De Summo bono et enfin le De Vita propriá, sorte de confession où il nous donne sur lui-même les détails les plus extraordinaires. Sa philosophie est une sorte de mysticisme matérialiste.
  2. Campanella, moine italien, né en Calabre vers la fin du xvie siècle, mort à Paris en 1639, dans le couvent des Jacobins. Sa vie, pleine l’aventures tragiques, se termina paisiblement en France sous la protection du cardinal Riehelieu. Ses œuvres sont très nombreuses. On connaît surtout le De sensu rerum, Francfort-sur-Mein, 1620 ; son De rerum natura, et enfin sa Civitas solis, utopie communiste, imitée de Platon.
  3. Mercure Van Helmont qu’on ne doit pas confondre avec son père François Van Helmont (1577-1641), est né à Vilvorde, en 1618, et mort in Berlin, en 1699. Sa philosophie est un illuminisme désordonné. Il passa sa vie à chercher et crut avoir trouve l’élixir de vie et la pierre philosophale. Ses principaux ouvrages sont : Alphabeti naturalis, hebraici delineati, etc., in-12, Sulzbach, 1667 ; Opuscula philosophica, in-12, Amsterdam, 1690 ; Seder olam, sive ordo seculorum, ib., 1693.
  4. Henri More (en latin Morus), né à Grantham, en 1614, mort à Cambridge, en 1687, philosophe mystique platonicien. Ses œuvres complètes philosophiques ont été publiées sons ce titre : H. Mori Cantabrigiensis opera omnia, tum quæ latinè, tum quæ anglicè scripta sunt, 2 vol. in-fol., Londres, 1679.