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Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/67

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des notions innées

en croyant que les substances immatérielles changeaient sinon la force, au moins la direction ou détermination des mouvements des corps, au lieu que l’âme et le corps gardent parfaitement leurs lois, chacun les siennes, selon le nouveau système, et que néanmoins l’un obéit à l’autre autant qu’il le faut. Enfin c’est depuis que j’ai inédite ce système, que j’ai trouvé comment les âmes des bêtes et leurs sensations ne nuisent point à l’immortalité des âmes humaines, ou plutôt comment rien n’est plus propre à établir notre immortalité naturelle, que de concevoir que toutes les âmes sont impérissables (morte carent animæ), sans qu’il y ait pourtant des métempsycoses à craindre, puisque non seulement les âmes, mais encore les animaux demeurent et demeureront vivants, sentants, agissants : c’est partout comme ici, et toujours, et partout comme chez nous, suivant ce que je vous ai déjà dit. Si ce n’est que les états des animaux sont plus ou moins parfaits et développés sans qu’on ait jamais besoin d’âmes tout à fait séparées, pendant que néanmoins nous avons toujours des esprits aussi purs qu’il se peut, nonobstant des organes qui ne sauraient troubler par aucune influence les lois de notre spontanéité. Je trouve le vide et les atomes exclus bien autrement que par le sophisme des cartésiens, fondé dans la prétendue coïncidence du corps et de l’étendue. Je vois toutes choses réglées et ornées au delà de tout ce qu’on a conçu jusqu’ici, la matière organique partout, rien de vide, stérile, négligé, rien de trop uniforme, tout varié, mais avec ordre, et, ce qui passe l’imagination, tout l’univers en raccourci, mais d’unc vue différente dans chacune de ses parties, et même dans chacune de ses unités de substances. Outre cette nouvelle analyse des choses, j’ai mieux compris celle des notions ou idées et des vérités. J’entends ce que c’est qu’idée vraie, claire, distincte, adéquate, si j’ose adopter ce mot.. J’entends quelles sont les vérités primitives et les vrais axiomes, la distinction des vérités nécessaires et de celles de fait, du raisonnement des hommes des consentions des bêtes qui en sont une ombre. Enfin vous serez surpris, Monsieur, d’entendre tout ce que j’ai à vous dire et surtout de comprendre combien la connaissance des grandeurs et des perfections de Dieu en est relevée. Car je ne saurais dissimuler à vous, pour qui je n’ai rien eu de caché, combien je suis pénétré maintenant d’admiration, et (si nous pouvons oser nous servir de ce terme) d’amour pour cette souveraine source de choses et de beautés, ayant trouvé que celle