Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/71

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
43
des notions innées

l’on a trouvé des nations, qu’on ne voyait pas avoir appris autre chose d’autres peuples, craindre des puissances invisibles. Je vous avoue, mon cher Philalèthe, que ce n’est pas encore l’idée de Dieu, telle que nous avons et que nous demandons ; mais cette idée même ne laisse pas d’être dans le fond de nos âmes, sans y être mise, comme nous verrons. Et les lois éternelles de Dieu y sont en partie gravées d’une manière encore plus lisible et par une espèce d’instinct. Mais ce sont des principes de pratique dont nous aurons aussi occasion de parler. Il faut avouer, cependant, le penchant que nous avons à reconnaître l’idée de Dieu est dans la nature humaine. Et, quand on en attribuerait le premier enseignement à la révélation, toujours la facilité que les hommes ont témoignée à recevoir cette doctrine vient du naturel de leurs âmes[1]. Mais nous jugerons dans la suite que la doctrine externe ne fait qu’exciter ici ce qui est en nous. Je conclus qu’un consentement assez général parmi les hommes est un indice et non pas une démonstration d’un principe inné ; mais que la preuve exacte et décisive de ces principes consiste à faire voir que leur certitude ne vient que de ce qui est en nous.

  1. Il y a ici dans l’édition de Gehrardt, par rapport à l’édition de Raspe et Erdmann que nous avons suivie, dans notre 1re édition, une interversion de trois ou quatre pages qui ne nous paraît pas justifiée, car elle amène des incohérences et des non-sens.

    1° Par exemple, édition Gehrardt, p. 69 : « La facilité que les hommes ont toujours témoignée à concevoir cette doctrine vient du naturel de nos âmes. Mais nous jugeons que ces idées qui sont séparées renferment des notions incompatibles. » Ce dernier menbre de phrase n’a aucun rapport à ce qui précède.

    Au contraire, dans le texte de Raspe, qui est le nôtre, la suite des idées est parfaitement claire.

    Texte de Raspe : Après ces derniers mots : « vient du naturel de nos âmes », suivent ces mots : Mais nous jugerons dans la suite que la doctrine externe ne fait qu’exciter ce qui est en nous. » Ce qui est le complément légitime de la doctrine de l’innéité.

    2° Gehrardt, p. 72 : « S’il y a des vérités innées, ne faut-il pas qu’il y ait dans la suite que la doctrine externe ne fait qu’exciter ce qui est en nous. » C’est un complet non-sens.

    Au contraire, notre texte est absolument clair et cohérent : « S’il y a des vérités innées, ne faut-il pas qu’il y ait des pensées innées ? — Point du tout. »

    3° Texte Gehrardt, p. 19 : « Mais, quant à cette proposition : le carré n’est pas le cercle, on peut dire qu’elle est innée ; car en l’envisageant on fait une subsomption ou application du principe de contradiction, dès qu’on s’apperçoit des pensées innées. — Point du tout, car les pensées sont des actions. » Propositions incohérentes.

    Texte de Raspe : « Dès qu’on s’aperçoit que ces idées qui sont innées, renferment des notions incompatibles. » Proposition qui se lie naturellement à la précédente.

    Le texte de Gehrardt : n’est pas même conforme au manuscrit de Hanovre : ce qui nous a été confirmé par les soins d’une personne obligeante de cette ville. Le désordre vient donc de Gerhardt lui-même.