Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/748

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efficientes et celui des causes finales sont harmoniques entre eux.

80. Descartes a reconnu que les âmes ne peuvent point donner de la force aux corps, parce qu’il y a toujours la même quantité de force dans la matière. Cependant il a cru que l’âme pouvait changer la direction des corps. Mais c’est parce qu’on n’a point su de son temps la loi de la nature, qui porte encore la conservation de la même direction totale dans la matière. S’il l’avait remarquée, il serait tombé dans mon système de l’harmonie préétablie (Préf., §§ 22, 59, 60, 61, 62, 66, 345, 346 sqq., 354, 355).

81. Ce système fait que les corps agissent comme si (par impossible) il n’y avait point d’âmes, et que les âmes agissent comme s’il n’y avait point de corps, et que tous deux agissent comme si l’un influait sur l’autre.

82. Quant aux esprits ou âmes raisonnables, quoique je trouve qu’il y a dans le fond la même chose dans tous les vivants et animaux, comme nous venons de dire (savoir que l’animal et l’âme ne commencent qu’avec le monde, et ne finissent pas non plus que le monde), — il y a pourtant cela de particulier dans les animaux raisonnables, que leurs petits animaux spermatiques, tant qu’ils ne sont que cela, ont seulement des âmes ordinaires ou sensitives mais dès que ceux qui sont élus, pour ainsi dire, parviennent par une actuelle conception à la nature humaine, leurs âmes sensitives sont élevées au degré de la raison et à la prérogative des esprits (§§ 91, 397.)

83. Entre autres différences qu’il y a entre les âmes ordinaires et les esprits, dont j’en ai déjà marqué une partie, il y a encore celle-ci que les âmes en général sont des miroirs vivants ou images de l’univers des créatures, mais que les esprits sont encore des images de la Divinité même, ou de l’Auteur même de la nature, capables de connaître le système de l’univers et d’en imiter quelque chose par des échantillons architectoniques, chaque esprit étant comme une petite divinité dans son département (§ 147.)

84. C’est ce qui fait que les esprits sont capables d’entrer dans une manière de société avec Dieu, et qu’il est à leur égard non seulement ce qu’un inventeur est à sa machine (comme Dieu l’est par rapport aux autres créatures), mais encore ce qu’un prince est à ses sujets, et même un père à ses enfants.

85. D’où il est aisé de conclure que l’assemblage de tous les esprits doit composer la cité de Dieu c’est-à-dire le plus parfait état qui soit possible sous le plus parfait des monarques (Abrégé, obj.).