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Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/756

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son qui a fait exister les choses par lui, les fait encore dépendre de lui en existant et en opérant : et elles reçoivent continuellement de lui ce qui les fait avoir quelque perfection ; mais ce qui leur reste d’imperfection vient de la limitation essentielle et originale de la créature.

10. Il s’ensuit de la perfection suprême de Dieu qu’en produisant l’univers il a choisi le meilleur plan possible, où il y a la plus grande variété, avec le plus grand ordre : le terrain, le lieu, le temps les mieux ménagés : le plus d’effet produit par les voies les plus simples ; le plus de puissance, le plus de connaissance, le plus de bonheur et de bonté dans les créatures que l’univers en pouvait admettre. Car tous les possibles prétendant à l’existence dans l’entendement de Dieu, à proportion de leurs perfections, le résultat de toutes ces prétentions doit être le monde actuel le plus parfait qui soit possible. Et sans cela il ne serait pas possible de rendre raison pourquoi les choses sont allées plutôt ainsi qu’autrement.

11. La sagesse suprême de Dieu lui a fait choisir surtout les lois du mouvement les mieux ajustées et les plus convenables aux raisons abstraites ou métaphysiques. Il s’y conserve la même quantité de la force totale et absolue ou de l’action ; la même quantité de la force respective ou de la réaction ; la même quantité enfin de la force directive. De plus, l’action est toujours égale à la réaction, et l’effet entier est toujours équivalent à sa cause pleine. Et il est surprenant que, par la seule considération des causes efficientes ou de la matière, on ne saurait rendre raison de ces lois du mouvement découvertes de notre temps et dont une partie a été découverte par moi-même. Car j’ai trouvé qu’il y faut recourir aux causes finales, et que ces lois ne dépendent point du principe de la nécessité comme les vérités logiques, arithmétiques et géométriques ; mais du principe de la convenance, c’est-à-dire du choix de la sagesse. Et c’est une des plus efficaces et des plus sensibles preuves de l’existence de Dieu pour ceux qui peuvent approfondir ces choses.

12. Il suit encore de la perfection de l’auteur suprême que non seulement l’ordre de l’univers entier est le plus parfait qui se puisse, mais aussi que chaque miroir vivant représentant l’univers suivant son point de vue, c’est-à-dire que chaque monade, chaque centre substantiel, doit avoir ses perceptions et ses appétits les mieux réglés, qu’il est compatible avec tout le reste. D’où il s’ensuit encore que les âmes, c’est-à-dire les monades les plus dominantes, ou plutôt les