Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/757

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animaux, ne peuvent manquer de se réveiller de l’état d’assoupissement, où la mort ou quelque autre accident les peut mettre.

13. Car tout est réglé dans les choses une fois pour toutes avec autant d’ordre et de correspondance qu’il est possible ; la suprême sagesse et bonté ne pouvant agir qu’avec une parfaite harmonie. Le présent est gros de l’avenir : le futur se pourrait lire dans le passé ; l’éloigné est exprimé dans le prochain. On pourrait connaître la beauté de l’univers dans chaque âme si l’on pouvait déplier tous ses replis, qui ne se développent sensiblement qu’avec le temps. Mais, comme chaque perception distincte de l’âme comprend une infinité de perceptions confuses qui enveloppent tout l’univers, l’âme même ne connaît les choses dont elle a perception qu’autant qu’elle en a des perceptions distinctes et relevées ; et elle a de la perfection à mesure de ses perceptions distinctes.

Chaque âme connaît l’infini, connaît tout, mais confusément. Comme en me promenant sur le rivage de la mer, et entendant le grand bruit qu’elle fait, j’entends les bruits particuliers de chaque vague dont le bruit total est composé, mais sans les discerner ; nos perceptions confuses sont le résultat des impressions que tout l’univers fait sur nous. Il en est de même de chaque monade. Dieu seul a une connaissance distincte de tout ; car il en est la source. On a fort bien dit qu’il est comme centre partout ; mais que sa circonférence n’est nulle part, tout lui étant présent immédiatement, sans aucun éloignement de ce centre.

14. Pour ce qui est de l’âme raisonnable ou de l’esprit, il y a quelque chose de plus que dans les monades, ou même dans les simples âmes. Il n’est pas seulement un miroir de l’univers des créatures, mais encore une image de la divinité. L’esprit n’a pas seulement une perception des ouvrages de Dieu ; mais il est même capable de produire quelque chose qui leur ressemble, quoique en petit. Car, pour ne rien dire des merveilles des songes, où nous inventons sans peine, mais aussi sans en avoir la volonté, des choses auxquelles il faudrait penser longtemps pour les trouver quand on veille ; notre âme est architectonique encore dans les actions volontaires, et, découvrant les sciences suivant lesquelles Dieu a réglé les choses (pondere, mensura, numero), elle imite dans son département et dans son petit monde, où il lui est permis de s’exercer, ce que Dieu fait dans le grand.

15. C’est pourquoi tous les esprits, soit des hommes, soit des gé-