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Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/768

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ce ne sont pas des Sensoria. D’ailleurs, M. le chevalier Newton ne dit pas que l’espace est un Sensorium ; mais qu’il est, par voie de comparaison, pour ainsi dire, le Sensorium, etc.

4. On n’a jamais supposé que la présence de l’âme suffit pour la perception : on a dit seulement que cette présence est nécessaire afin que l’âme aperçoive. Si l’âme n’était pas présente aux images des choses qui sont aperçues, elle ne pourrait pas les apercevoir ; mais sa présence ne suffit pas, à moins qu’elle ne soit aussi une substance vivante. Les substances inanimées, quoique présentes, n’aperçoivent rien : et une substance vivante n’est capable de perception que dans le lieu où elle est présente, soit aux choses mêmes, comme Dieu est présent à tout l’univers ; soit aux images des choses, comme l’âme leur est présente dans son Sensorium. Il est impossible qu’une, chose agisse, ou que quelque sujet agisse sur elle, dans un lieu où elle n’est pas présente ; comme il est impossible qu’elle soit dans un lieu où elle n’est pas. Quoique l’âme soit indivisible, il ne s’ensuit pas qu’elle n’est présente que dans un seul point. L’espace fini ou infini est absolument indivisible, même par la pensée ; car on ne peut s’imaginer que ses parties se séparent l’une de l’autre, sans s’imaginer qu’elles sortent, pour ainsi dire, hors d’elles-mêmes ; et cependant l’espace n’est pas un simple point.

5. Dieu n’aperçoit pas les choses par sa simple présence, ni parce qu’il agit sur elles ; mais parce qu’il est, non seulement présent partout, mais encore un être vivant et intelligent. On doit dire la même chose de l’âme dans sa petite sphère. Ce n’est point par sa simple présence, mais parce qu’elle est une substance vivante, qu’elle aperçoit les images auxquelles elle est présente, et qu’elle ne saurait apercevoir sans leur être présente.

6 et 7. Il est vrai que l’excellence de l’ouvrage de Dieu ne consiste pas seulement en ce que cet ouvrage fait voir la puissance de son auteur, mais encore en ce qu’il montre sa sagesse. Mais Dieu ne fait pas paraître cette sagesse, en rendant la nature capable de se mouvoir sans lui, comme un horloger fait mouvoir une horloge. Cela est impossible, puisqu’il n’y a point de forces dans la nature, qui soient indépendantes de Dieu, comme les forces des poids et des ressorts sont indépendantes des hommes. La sagesse de Dieu consiste donc en ce qu’il a formé, dès le commencement, une idée parfaite et complète d’ouvrage, qui a commencé et qui subsiste toujours,