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Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/767

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lieu que les matérialistes supposent que la structure de l’univers peut avoir été produite par les seuls principes mécaniques de la matière et du mouvement, de la nécessité et de la fatalité, les principes mathématiques de la philosophie font voir, au contraire, que l’état des choses, la constitution du soleil et des planètes, n’a pu être produit que par une cause intelligente et libre. À l’égard du mot de mathématique ou de métaphysique, on peut appeler, si on le juge à propos, les principes mathématiques des principes métaphysiques, selon que les conséquences métaphysiques naissent démonstrativement des principes mathématiques. Il est vrai que rien n’existe sans une raison suffisante, et que rien n’existe d’une certaine manière plutôt que d’une autre, sans qu’il y ait aussi une raison suffisante pour cela ; et par conséquent lorsqu’il n’y a aucune cause, il ne peut y avoir aucun effet. Mais cette raison suffisante est souvent la simple volonté de Dieu. Par exemple, si l’on considère pourquoi une certaine portion ou système de matière a été créée dans un certain lieu, et une autre dans un autre certain lieu, puisque tout lieu étant absolument indifférent à toute matière, c’est été précisément la même chose vice versa, supposé que les deux portions de matière ou leurs particules soient semblables ; si, dis-je, l’on considère cela, on n’en peut alléguer d’autre raison que la simple volonté de Dieu. Et si cette volonté ne pouvait jamais agir, sans être prédéterminée par quelque cause, comme une balance ne saurait se mouvoir sans le poids qui la fait pencher, Dieu n’aurait pas la liberté de choisir ; et ce serait introduire la fatalité.

2. Plusieurs anciens philosophes grecs, qui avaient emprunté leur philosophie des Phéniciens, et dont la doctrine fut corrompue par Épicure, admettaient en général la matière et le vide. Mais ils ne surent pas se servir de ces principes, pour expliquer les phénomènes de la nature par le moyen des mathématiques. Quelque petite que soit la quantité de la matière, Dieu ne manque pas de sujets sur lesquels il puisse exercer sa puissance et sa sagesse ; car il y a d’autres choses, outre la matière, qui sont également des sujets sur lesquels Dieu exerce sa puissance et sa sagesse. On aurait pu prouver, par la même raison que les hommes ou toute autre espèce de créatures doivent être infinis en nombre, afin que Dieu ne manque pas de sujets pour exercer sa puissance et sa sagesse.

3. Le mot de Sensorium ne signifie pas proprement l’organe, mais le lieu de la sensation. L’œil, l’oreille, etc., sont des organes ; mais