Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/770

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exclure Dieu du gouvernement actuel du monde. Mais il est certain que le naturel et le surnaturel ne diffèrent en rien l’un de l’autre par rapport à Dieu : ce ne sont que des distinctions, selon notre manière de concevoir les choses. Donner un mouvement réglé au soleil (ou a la terre), c’est une chose que nous appelons naturelle : arrêter ce mouvement pendant un jour, c’est une chose surnaturelle selon nos idées. Mais la dernière de ces deux choses n’est as l’effet d’une plus grande puissance que l’autre ; et par rapport à Dieu, elles sont toutes deux également naturelles ou surnaturelles. Quoique Dieu soit présent dans tout l’univers, il ne s’ensuit point qu’il soit l’âme du monde. L’âme humaine est une partie d’un composé, dont le corps est l’autre partie ; et ces deux parties agissent mutuellement l’une sur l’autre, comme étant les parties d’un même tout. Mais Dieu est dans le monde, non comme une partie de l’univers, mais comme un gouverneur. Il agit sur tout, et rien n’agit sur lui. Il n’est pas loin de chacun de nous ; car en lui nous (et toutes les choses qui existent) avons la vie, le mouvement et l’être.


Troisième écrit de M.  Leibniz, ou réponse à la seconde réplique de M.  Clarke.

1. Selon la manière de parler ordinaire, les principes mathématiques sont ceux qui consistent dans les mathématiques pures, comme nombres, arithmétique, géométrie. Mais les principes métaphysiques regardent des notions plus générales, comme la cause et l’effet.

2. On m’accorde ce principe important que rien n’arrive sans qu’il y ait une raison suffisante pourquoi il en soit plutôt ainsi qu’autrement. Mais on me l’accorde en paroles, et on me le refuse en effet ; ce qui fait voir qu’on n’en a pas bien compris toute la force. Et pour cela on se sert d'une de mes démonstrations contre l’espace réel absolu, idole de quelques Anglais modernes. Je dis idole, non pas dans un sens théologique, mais philosophique ; comme le chancelier Bacon disait autrefois qu’il y a idola tribus, idola specus.

3. Ces messieurs soutiennent donc que l’espace est un être réel absolu : mais cela les mène à de grandes difficultés ; car il paraît que cet être doit être éternel et infini. C’est pourquoi il y en a qui ont cru que c’était Dieu lui-même, ou bien son attribut, son immensité. Mais comme il a des parties, ce n’est pas une chose qui puisse convenir à Dieu.