Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/777

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écrivains ont entendu ce même terme ? Scapula traduit le mot dont il s’agit ici Domicilium, c’est-à-dire le lieu ou l’âme réside.

11. L’âme d’un aveugle ne voit point, parce que certaines obstructions empêchent les images d’être portées au Sensorium, où elle est présente. Nous ne savons pas comment l’âme d’un homme qui voit aperçoit les images auxquelles elle n’est pas présente ; parce qu’un être ne saurait ni agir, ni recevoir des impressions, dans un lieu où il-n’est pas.

12. Dieu étant partout est actuellement présent à tous, essentiellement et substantiellement. Il est vrai que la présence de Dieu se manifeste par son opération ; mais cette opération serait impossible sans la présence actuelle de Dieu. L’âme n’est pas présente à chaque partie du corps ; et par conséquent elle n’agit et ne saurait agir par elle-même sur toutes les parties du corps, mais seulement sur le cerveau ou sur certains nerfs et sur les esprits, qui agissent sur tout le corps, en vertu des lois du mouvement que Dieu a établies.

13 et 14. Quoique les forces actives qui sont dans l’univers diminuent, et qu’elles aient besoin d’une nouvelle impression, ce n’est point un désordre ni une imperfection dans l’ouvrage de Dieu ; ce n’est qu’une suite de la nature des créatures, qui sont dans la dépendance. Cette dépendance n’est pas une chose qui ait besoin d’être rectifiée. L’exemple qu’on allègue d’un homme qui fait une machine n’a aucun rapport à la matière dont il s’agit ici ; parce que les forces en vertu desquelles cette machine continue de se mouvoir sont tout à fait indépendantes de l’ouvrier.

15. On peut admettre les mots d’Intelligentia Supramudana de la manière dont l’auteur les explique ici. Mais, sans cette explication, ils pourraient aisément faire naître une fausse idée, comme si Dieu n’était pas réellement et substantiellement présent partout.

16. Je réponds aux questions que l’on propose ici : que Dieu agit toujours de la manière la plus régulière et la plus parfaite, qu’il n’y a aucun désordre dans son ouvrage, que les changements qu’il fait dans l’état présent de la nature ne sont pas plus extraordinaires que le soin qu’il a de conserver cet état, que lorsque les choses sont en elles-mêmes absolument égales et indifférentes, la volonté de Dieu peut se déterminer librement sur le choix sans qu’aucune cause étrangère la fasse agir ; et que le pouvoir que Dieu a d’agir de cette manière est une véritable perfection. Enfin, je réponds que l’espace ne dépend point de l’ordre ou de la situation ou de l’existence des corps.