Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/782

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29. Dieu s’aperçoit des choses en lui-même. L’espace est le lieu des choses, et non pas le lieu des idées de Dieu : à moins qu’on ne considère l’espace comme quelque chose qui fasse l’union de Dieu et des choses, à l’imitation de l’union de l’âme et du corps qu’on s’imagine ; ce qui rendrait encore Dieu l’âme du monde.

30. Aussi a-t-on tort dans la comparaison qu’on fait de la connaissance et de l’opération de Dieu avec celle des âmes. Les âmes connaissent les choses, parce que Dieu a mis en elles un principe représentatif de ce qui est hors d’elles. Mais Dieu connaît les choses parce qu’il les produit continuellement.

31. Les âmes n’opèrent sur les choses, selon moi, que parce que les corps s’accommodent a leurs désirs en vertu de l’harmonie que Dieu y a préétablie.

32. Mais ceux qui s’imaginent que les âmes peuvent donner une force nouvelle au corps, et que Dieu en fait autant dans le monde pour redresser les défauts de la machine, approchent trop Dieu de l’âme, en donnant trop à l’âme et trop peu il Dieu.

33. Car il n’y a que Dieu qui puisse donner à la nature de nouvelles forces ; mais il ne le fait que surnaturellement. S’il avait besoin de le faire dans le cours naturel, il aurait fait un ouvrage très imparfait. Il ressemblerait dans le monde à ce que le vulgaire attribue à l’âme dans le corps.

34. En voulant soutenir cette opinion vulgaire de l’influence de l’âme sur le corps, par l’exemple de Dieu opérant hors de lui, on fait encore que Dieu ressemblerait trop à l’âme du monde. Cette affectation encore de blâmer mon expression d’ïntetligentia supramundana y semble pencher aussi.

35. Les images dont l’âme est affectée immédiatement sont en elle-même ; mais elles répondent à celles du corps. La présence de l’âme est imparfaite, et ne peut être expliquée que par cette correspondance ; mais celle de Dieu est parfaite, et se manifeste par son opération.

36. L’on suppose mal contre moi que la présence de l’âme est liée avec son influence sur le corps, puisqu’on sait que je rejette cette influence.

37. Il est aussi inexplicable que l’âme soit diffuse par le cerveau, que de faire qu’elle soit diffuse par le corps tout entier. La différence n’est que du plus au moins.

38. Ceux qui s’imaginent que les forces actives se diminuent