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Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/801

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trouvant qu’on peut comparer le récipient à une caisse pleine de trous, qui serait dans l’eau, dans laquelle il y aurait des poissons, ou d’autres corps grossiers, lesquels en étant ôtés, la place ne laisserait pas d’être remplie par de l’eau. Il y a seulement cette différence que l’eau, quoiqu’elle soit fluide et plus obéissante que ces corps grossiers, est pourtant aussi pesante et aussi massive, ou même davantage ; au lieu que la matière qui entre dans le récipient à la place de l’air est bien plus mince. Les nouveaux partisans du vide répondent à cette instance que ce n’est pas la grossièreté qui fait de la résistance ; et par conséquent qu’il y a nécessairement plus de vide, où il y a moins de résistance ; on ajoute que la subtilité n’y fait rien, et que les parties du vif-argent sont aussi subtiles et aussi fines que celles de l’eau, et que néanmoins le vif-argent résiste plus de dix fois davantage. À cela je réplique que ce n’est pas tant la quantité de la matière, que la difficulté qu’elle fait de céder, qui fait la résistance. Par exemple, le bois flottant contient moins de matière pesante que l’eau de pareil volume, et néanmoins il résiste plus au bateau que l’eau.

35. Et quant au vif-argent, il contenta la vérité environ quatorze fois plus de matière pesante que l’eau, dans un pareil volume ; mais il ne s’ensuit point qu’il contienne quatorze fois plus de matière absolument. Au contraire, l’eau en contient autant, mais prenant ensemble tant sa propre matière, qui est pesante, qu’une matière étrangère non pesante, qui passe à travers de ses pores. Car tant le vif-argent que l’eau sont des masses de matière pesante, percées à jour, à travers lesquelles passe beaucoup de matière non pesante, et qui ne résiste point sensiblement, comme est apparemment celle de rayons de lumière, et d’autres fluides insensibles, tels que celui surtout qui cause lui-même la pesanteur des corps grossiers, en s’écartant du centre où il les fait aller. Car c’est une étrange fiction que de faire toute la matière pesante, et même vers toute autre matière ; comme si tout corps attirait également tout autre corps selon les masses et les distances ; et cela par une attraction proprement dite, qui ne soit point dérivée d’une impulsion occulte des corps : au lieu que la pesanteur des corps sensibles vers le centre de la terre doit être produite par le mouvement de quelque fluide. Et il en sera de même d’autres pesanteurs, comme de celles des plantes vers le soleil, ou entre elles. Un corps n’est jamais mû naturellement que par un autre corps qui le pousse en le touchant ;