Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/802

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et après cela il continue jusqu’à ce qu’il soit empêché par un autre corps qui le touche. Toute autre opération sur le corps est ou miraculeuse ou imaginaire.

Sur les §§ 8 et 9.

36. Comme ej’avais objecté que l’espace, pris pour quelque chose de réel et d’absolu sans les corps, serait une chose éternelle, impassible, indépendante de Dieu, on a tâché d’éluder cette difficulté, en disant que l’espace est une propriété de Dieu. J’ai opposé à cela, dans mon écrit précédent, que la propriété de Dieu est l’immensité ; mais que l’espace, qui est souvent commensuré avec les corps, et l’immensité de Dieu, n’est pas la même chose.

37. J’ai encore objecté que, si l’espace est une propriété, et si l’espace infini est l’immensité de Dieu, l’espace fini sera l’étendue ou la mensurabilité de quelque chose finie. Ainsi l’espace occupé par un corps sera l’étendue de ce corps ; chose absurde, puisqu’un corps peut changer d’espace, mais qu’il ne peut point quitter son étendue.

38. J’ai encore demandé : si l’espace est une propriété, de quelle chose sera donc la propriété un espace vide borné, tel qu’on s’imagine dans le récipient épuisé d’air ? Il ne paraît point raisonnable de dire que cet espace vide, rond ou carré, soit une propriété de Dieu. Sera-ce donc peut-être la propriété de quelques substances immatérielles, étendues, imaginaires, qu’on se figure, ce semble, dans les espaces imaginaires ?

39. Si l’espace est la propriété ou l’affection de la substance qui est dans l’espace, le même espace sera tantôt l’affection d’un corps, tantôt d’un autre corps ; tantôt d’une substance immatérielle, tantôt peut-être de Dieu, quand il est vide de toute autre substance matérielle ou immatérielle. Mais voilà une étrange propriété on affection, qui passe de sujet en sujet. Les sujets quitteront ainsi leurs accidents comme un habit, afin que d’autres sujets s’en puissent revêtir. Après cela, comment distinguera-t-on les accidents et les substances ?

40. Que si les espaces bornes qui y sont, et si l’espace infini est la propriété de Dieu, il faut (chose étrange !) que la propriété de Dieu soit composée des affections des créatures ; car tous les espaces finis, pris ensemble, composent l’espace infini.