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Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/829

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tion ou une cessation subite du mouvement du tout causerait un choc sensible à toutes les parties. Et il n’est pas moins évident qu’un mouvement circulaire du tout produirait une force centrifuge dans toutes les parties. J’ai dit que le monde matériel doit être mobile, si le tout est borné ; on le nie, parce que les parties de l’espace sont immobiles dont le tout est infini et existe nécessairement. On soutient que le mouvement renferme nécessairement un changement relatif de situation dans un corps par rapport il d’autres corps ; et cependant on ne fournit aucun moyen d’éviter cette conséquence absurde, savoir, que la mobilité d’un corps dépend de l’existence d’autres corps ; et que si un corps existait seul, il serait incapable de mouvement ; ou que les parties d’un corps qui circule (du soleil par exemple) perdraient la force centrifuge qui nait de leur mouvement circulaire, si toute la matière extérieure qui les environne était annihilée. Enfin, on soutient que l’infinité de la matière est l’effet de la volonté de Dieu ; et cependant on approuve la doctrine de Descartes, comme si elle était incontestable, quoique tout le monde sache que le seul fondement sur lequel ce philosophe l’a établie est cette supposition : Que la matière était nécessairement infinie, puisque l’on ne saurait la supposer finie sans contradiction. Voici ses propres termes : Puto implicarc contradictionem, ut mandus sit finitus. Si cela est vrai, Dieu n’a jamais pu limiter la quantité de la matière ; et par conséquent il n’en est point le créateur, et il ne peut la détruire.

Il me semble que le savant auteur n’est jamais d’accord avec lui-même dans tout ce qu’il dit touchant la matière et l’espace. Car tantôt il combat le vide, ou l’espace destitué de matière, comme s’il était absolument impossible (l’espace et la matière étant inséparables) ; et cependant il reconnaît souvent que la quantité de la matière dans l’univers dépend de la volonté de Dieu.

33, 34, 35. Pour prouver qu’il y a du vide, j’ai dit que certains espaces ne font point de résistance. Le savant auteur répond que ces espaces sont remplis d’une matière qui n’a point de pesanteur. Mais l’argument n’était pas fondé sur la pesanteur ; il était fondé sur la résistance, qui doit être proportionnée à la quantité de la matière, soit que la matière ait de la pesanteur ou qu’elle n’en ait pas.

Pour prévenir cette réplique, l’auteur dit que la résistance ne vient pas tant de la quantité de la matière que de la difficulté qu’elle a à céder ; mais cet argument est tout à fait hors d’œuvre ; parce