Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/830

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que la question dont il s’agit ne regarde que les corps fluides qui ont peu de ténacité, ou qui n’en ont point du tout, comme l’eau et le vif-argent, dont les parties n’ont de la peine à céder qu’à proportion de la quantité de matière qu’elles contiennent. L’exemple que l’on tire du bois flottant, qui contient moins de matière pesante qu’un égal volume d’eau, et qui ne laisse pas de faire une plus grande résistance ; cet exemple, dis-je, n’est rien moins que philosophique. Car un égal volume d’eau renfermée dans un vaisseau, ou gelée et flottante, fait une plus grande résistance que le bois flottant ; parce qu’alors la résistance est causée par le volume entier de l’eau. Mais lorsque l’eau se trouve en liberté et dans son état de fluidité, la résistance n’est pas causée par toute la masse du volume égal d’eau, mais seulement par une partie de cette masse ; de sorte qu’il n’est pas surprenant que dans ce cas l’eau semble faire moins de résistance que le bois.

36, 37, 38. L’auteur ne paraît pas raisonner sérieusement dans cette partie de son écrit. Il se contente de donner un faux jour à l’idée de l’immensité de Dieu, qui n’est pas une intelligentia supramundana (semota a nostris rebus sejunctaque longe), et qui n’est pas loin de chacun de nous ; car en lui nous avons la vie, le mouvement et l’être.

L’espace occupé par un corps n’est pas l’étendue de ce corps ; mais le corps étendu existe dans cet espace.

Il n’y a aucun espace borné ; mais notre imagination considère dans l’espace, qui n’a point de bornes, et qui n’en peut avoir, telle partie ou telle quantité qu’elle juge et propos d’y considérer.

L’espace n’est pas une affection d’un ou de plusieurs corps, ou d’aucun être borné, et il ne passe point d’un sujet à un autre ; mais il est toujours, et sans variation, l’immensité d’un être immense, qui ne cesse jamais d’être le même.

Les espaces bornés ne sont point des propriétés des substances bornées ; ils ne sont que des parties de l’espace infini dans lesquelles les substances bornées existent.

Si la matière était infinie, l’espace infini ne serait pas plus une propriété de ce corps infini, que les espaces finis sont des propriétés des corps finis. Mais, en ce cas, la matière infinie serait dans l’espace infini, comme les corps finis y sont présentement.

L’immensité n’est pas moins essentielle à Dieu que son éternité. Les parties de l’immensité étant tout à fait différentes des parties