agréable, ce qui n’était pas sans raison, car nos mots grecs et latins, πνεῦμα, anima, spiritus, ne signifient originairement que l’air ou vent qu’on respire, comme une des plus subtiles choses qui nous soit connue par les sens et on commence par les sens pour mener peu à peu les hommes à ce qui est au-dessus des sens. Cependant toute cette difficulté qu’on trouve à parvenir aux connaissances abstraites ne fait rien contre les connaissances innées. Il y a des peuples qui n’ont aucun mot qui réponde à celui d’être ; est-ce qu’on doute qu’ils ne savent pas ce que c’est que d’être, quoiqu’ils n’y pensent guère à part ? Au reste, je trouve si beau et si à mon gré ce que j’ai lu chez notre excellent auteur sur l’idée de Dieu (Essai de l’entendement, liv. I, ch. iii, § 9) que je ne saurais m’empêcher de le rapporter. Le voici : « Les hommes ne sauraient guère éviter d’avoir quelque espèce d’idée des choses, dont ceux avec qui ils conversent ont souvent occasion de les entretenir sous certains noms ; et si c’est une chose qui emporte avec elle l’idée d’excellence, de grandeur ou de quelque qualité extraordinaire qui intéresse par quelque endroit et qui s’imprime dans l’esprit sous l’idée d’une puissance absolue et irrésistible, qu’on ne puisse s’empêcher de craindre », (j’ajoute : et sous l’idée d’une grandissime bonté, qu’on ne saurait s’en pêcher d’aimer), « une telle idée doit, suivant toutes les apparences, faire de plus fortes impressions et se répandre plus loin qu’aucune autre, surtout si c’est une idée qui s’accorde avec les plus simples lumières de la raison et qui découle naturellement de chaque partie de nos connaissances. Or, telle est l’idée de Dieu, car les marques éclatantes d’une sagesse et d’une puissance extraordinaire paraissent si visiblement dans tous les ouvrages de la création, que toute créature raisonnable qui voudra y faire réflexion, ne saurait manquer de découvrir l’auteur de toutes ces merveilles ; et l’impression que la découverte d’un tel être doit faire naturellement sur l’âme de tous ceux qui en ont entendu parler une seule fois est si grande et entraîne avec elle des pensées d’un si grand poids et si propres à se répandre dans le monde, qu’il me paraît tout à fait étrange qu’il se puisse trouver sur la terre une nation entière d’hommes assez stupides pour n’avoir aucune idée de Dieu. Cela, dis-je, me semble aussi surprenant que d’imaginer des hommes qui n’auraient aucune idée des nombres ou du feu. » Je voudrais qu’il me fût toujours permis de copier mot à mot quantité d’autres excellents endroits de notre auteur, que nous sommes obligés de passer. Je dirai seulement
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nouveaux essais sur l’entendement