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Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/99

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des notions innées

ici que cet auteur, parlant des plus simples lumières de la raison qui s’accordent avec l’idée de Dieu et de ce qui en découle naturellement, ne paraît guère s’éloigner de mon sens sur les vérités innées et sur ce qui lui paraît aussi étrange qu’il y ait des hommes dans aucune idée de Dieu qu’il serait surprenant de trouver des hommes qui n’auraient aucune idée des nombres ou du feu, je remarquerai que les habitants des îles Mariannes, à qui on a donné le nom de la reine d’Espagne, qui y a favorisé les missions, n’avaient aucune connaissance du feu lorsqu’on les découvrit, comme il paraît par la relation que le R. P. Gobien[1], jésuite français, chargé du soin des missions éloignées, a donnée au public et m’a envoyée.

§ 16. Si l’on a le droit de conclure que l’idée de Dieu est innée, de ce que tous les gens sages ont eu cette idée, la vertu doit aussi être innée parce que les gens sages en ont toujours eu une véritable idée.

Th. Non pas la vertu, mais l’idée de la vertu est innée, et peut-être ne voulez-vous que cela.

Ph. Il est aussi certain qu’il y a un Dieu, qu’il est certain que les angles opposés, qui se font par l’intersection de deux lignes droites, sont égaux. Et il n’y eut jamais de créature raisonnable qui se soit appliquée sincèrement à examiner la vérité de ces deux propositions, qui ait manqué d’y donner son consentement. Cependant il est hors de doute qu’il y a bien des hommes qui, n’ayant point tourné leurs pensées de ce côté-là, ignorent également ces deux vérités.

Th. Je l’avoue ; mais cela n’empêche point qu’elles soient innées, c’est-à-dire qu’on les puisse trouver en soi.

§ 18. Ph. Il serait encore avantageux d’avoir une idée innée de la substance ; mais il se trouve que nous ne l’avons, ni innée, ni acquise, puisque nous ne l’avons ni par la sensation, ni par la réflexion.

Th. Je suis d’opinion que la réflexion suffit pour trouver l’idée de la substance en nous-mêmes, qui sommes des substances. Et cette notion est des plus importantes. Mais nous en parlerons peut-être plus amplement dans la suite de notre conférence.

Ph. S’il y a des idées innées, qui soient dans l’esprit, sans que l’esprit y pense actuellement, il faut du moins qu’elles soient dans la mémoire, d’où elles doivent être tirées par voie de réminiscence.

  1. Gobien (Charles) (1653-1708), professeur de philosophie à Tours, a publié une Histoire des îles Mariannes (Paris, 1700), p. 72.