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LA BONTÉ DE DIEU, LA LIBERTÉ DE L’HOMME, ETC. 2° PARTIE

culière, dont l’exécution ne saurait avoir toujours lieu dans le plan général des choses. Cette thèse est encore du nombre de celles que la philosophie n’établit pas moins que la révélation de même que trois autres des sept que nous venons de mettre ici, n’y ayant eu que la troisième, la quatrième et la cinquième qui aient eu besoin de la révélation.

116. Voici maintenant les dix-neuf maximes philosophiques, que M. Bayle oppose aux sept propositions théologiques.

I. « Comme l’Être infiniment parfait trouve en lui-même une gloire et une béatitude qui ne peuvent jamais ni diminuer ni croître, sa bonté seule l’a déterminé à créer cet univers ; l’ambition d’être loué, aucun motif d’intérêt de conserver ou d’augmenter sa béatitude et sa gloire n’y ont eu part. »

Cette maxime est très bonne les louanges de Dieu ne lui servent de rien, mais elles servent aux hommes qui le louent, et il a voulu leur bien. Cependant quand on dit que la bonté seule a déterminé Dieu à créer cet univers, il est bon d’ajouter que sa bonté l’a porté antécédemment à créer et à produire tout bien possible ; mais que sa sagesse en a fait le triage, et a été cause qu’il a choisi le meilleur conséquemment et enfin que sa puissance lui a donné le moyen d’exécuter actuellement le grand dessein qu’il a formé.

117. II. « La bonté de l’Être infiniment parfait est infinie, et ne serait pas infinie si l’on pouvait concevoir une bonté plus grande que la sienne. Ce caractère d’infinité convient à toutes ses autres perfections, à l’amour de la vertu, a la haine du vice etc., elles doivent être les plus grandes que l’on puisse concevoir. » (Voy. M. Jurieu[1] dans les trois premières sections du Jugement sur les Méthodes, où il raisonne continuellement sur ce principe, comme sur une première notion. Voy. aussi dans M. Wittichius[2], de Providentia Dei, n. 12, ces paroles de saint Augustin, lib. 1 de doctrina Christ., ch. vii « Cum cogitatur Deus, « ita cogitatur,

  1. Jurieu, célèbre théologien protestant, né à User, près de Blois, en 1637, professeur à l’Académie de Sedan, mort à Rotterdam en 1713. On a de lui une Histoire du Calvinisme (Rotterdam, 1682, 2 vol in-4o) Le Tableau du, socinianisme (La Haye, 1691, in-12). On lui attribue aussi Les Soupirs de la France esclave (in-4°, 1689-1690), célèbre et virulent pamphlet contre Louis XIV. P. J.
  2. Wittichius, théologien réformé, a introduit le cartésianisme dans les écoles protestantes. Né à Brieg, mort à Leyde en 1687. Son principal ouvrage est Consensus veritatis revelatæ cum veritate philosophica à Cartesio detecta (Leyde, in-4o, 1682). On a de lui un Antispinosa (Amsterdam, 1690, in-4o). P. J.