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Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 2.djvu/22

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visse bien qu’ils avaient besoin d’adoucissement. Je ne m’abstenais pas des livres de controverse et, entre autres écrits de cette nature, les Actes du Colloque de Montbéliard, qui avaient ranimé la dispute, me parurent instructifs. Je ne négligeais point les enseignements de nos théologiens ; et la lecture de leurs adversaires, bien loin de me troubler, servait à me confirmer dans les sentiments modérés des églises de la confession d’Augsbourg. J’eus occasion dans mes voyages de conférer avec quelques excellents hommes de différents partis, comme avec M. Pierre de Wallenbourg[1], suffragant de Mayence ; avec M. Jean-Louis Fabrice, premier théologien de Heidelberg ; et enfin avec le célèbre M. Arnauld, à qui je communiquai même un dialogue latin de ma façon sur cette matière, environ l’an 1673, où je mettais déjà en fait que Dieu ayant choisi le plus parfait de tous les mondes possibles, avait été porté par sa sagesse à permettre le mal qui y était annexé, mais qui n’empêchait pas que, tout compté et rabattu, ce monde ne fût le meilleur qui pût être choisi. J’ai encore depuis lu toute sorte de bons auteurs sur ces matières, et j’ai tâché d’avancer dans les connaissances qui me paraissent propres à écarter tout ce qui pouvait obscurcir l’idée de la souveraine perfection qu’il faut reconnaître en Dieu. Je n’ai point négligé d’examiner les auteurs les plus rigides, et qui ont poussé le plus loin la nécessité des choses, tels que Hobbes et Spinoza, dont le premier a soutenu cette nécessité absolue, non seulement dans ses Éléments physiques et ailleurs, mais encore dans un livre exprès contre l’évêque Bramhall[2]. Et Spinoza veut à peu près, comme un ancien péripatéticien nommé Straton[3], que tout soit venu de la première cause ou de la nature primitive, par une nécessité aveugle et toute géométrique, sans que ce premier principe des choses soit capable de choix, de bonté et d’entendement.

J’ai trouvé le moyen, ce me semble, de montrer le contraire d’une

  1. Wallenbourg ou Vallenbidrah (Pierre de), et son frère Adrien, illustres théologiens catholiques du xvnc siècle, sont inséparables l’un de l’autre. Nés à Rotterdam, ils se consacrèrent l’un et l’autre à la théologie et à la défense du catholicisme. Adrien mourut à Cologne en 1669. Pierre, suffragant de Mayence, mourut en 1675. Leurs œuvres complètes ont été réunies par eux-mêmes en 2 vol. in-fol. (Cologne, 1669-71). P. J.
  2. Bramhall, théologien anglican et métropolitain d’Irlande, né dans le comté d’York en 1593, mort en 1663. Ses œuvres ont été publiées à Dublin.
  3. Straton DE Lampsaque, philosophe péripatéticien, successeur de Théophraste surnommé le physicien, dans le IIIe siècle de notre ère. On n’a de lui que des fragments. P. J.