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REFLEXIONS SUI L’OUVRAGE DE M. HOBBES

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volitions même ne sont pas en notre pouvoir, en telle sorte que nous puissions nous donner sans difficulté, et suivant notre bon plaisir, des inclinations et des volontés que nous pourrions désirer. L’évêque ne parait pas avoir pris garde à cette réflexion, que M. Hobbes aussi ne développe pas assez. La vérité est, que nous avons quelque pouvoir encore sur nos volitions ; mais d’une manière oblique, et non pas absolument et indifféremment. C’est ce qui a été expliqué en quelques endroits de cet ouvrage. Enfin M. Hobbes montre, après d’autres, que la certitude des événements et la nécessité même, s’il y en avait dans la manière dont nos actions dépendent des causes, ne nous empêcherait point d’employer les délibérations, les exhortations, les blâmes et les louanges, les peines et les récompenses ; puisqu’elles servent et portent les hommes à produire les actions ou à s’en abstenir. Ainsi, si les actions humaines étaient nécessaires, elles le seraient par ces moyens. Mais la vérité est, que ces actions ne sont point nécessaires absolument ; et quoi qu’on fasse, ces moyens contribuent seulement à rendre les actions déterminées et certaines, comme elles le sont en effet, leur nature faisant voir qu’elles sont incapables d’une nécessité absolue. Il donne aussi une notion assez bonne de la liberté, en tant qu’elle est prise dans un sens général, commun aux substances intelligentes et non intelligentes ; en disant qu’une chose est censée libre, quand la puissance qu’elle a n’est point empêchée par une chose externe. Ainsi l’eau qui est retenue par une digue a la puissance de se répandre, mais elle n’en a pas la liberté au lieu qu’elle n’a point la puissance de s’élever au-dessus de la digue, quoique rien ne l’empêcherait alors de se répandre, et que même rien d’extérieur ne l’empêche de s’élever si haut ; mais il faudrait pour cela qu’elle même vînt de plus haut ou qu’elle même lût haussée par quelque crue d’eau. Ainsi un prisonnier manque de liberté, mais un malade manque de puissance, pour s’en aller.

5. Il y a dans la préface de M. Hobbes un abrégé des points contestés, que je mettrai ici, en ajoutant un mot de jugement. D’un côté, dit-il, on soutient, qu’il n’est pas dans le pouvoir présent de l’homme de se choisir la volonté qu’il doit avoir. Cela est bien dit, surtout par rapport à la volonté présente ; les hommes choisissent les objets pai’ la volonté mais ils ne choisissent point leurs volontés présentes ; elles viennent des raisons et des dispositions. Il est vrai cependant qu’on se peut chercher de nouvelles raisons ; et se donner.