Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 2.djvu/374

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l’avions, ferait connaître en même temps pourquoi la chose est arrivée et pourquoi elle n’est pas allée autrement.

3. Mais l’humeur de cet auteur, qui le porte aux paradoxes et le fait chercher à contrarier les autres, lui en a fait tirer des conséquences et des expressions outrées et odieuses, comme si tout arrivait par une nécessité absolue. Au lieu que l’évêque de Derry a fort bien remarqué dans sa réponse à l’article 35, p. 327, qu’il ne s’ensuit qu’une nécessité hypothétique, telle que nous accordons tous aux événements par rapport à la prescience de Dieu ; pendant que M. Hobbes veut que même la prescience divine seule suffirait pour établir une nécessité absolue des événements ce qui était aussi le sentiment de Wiclef, et même de Luther, lorsqu’il écrivit de servo arbitrio ; ou du moins ils parlaient ainsi. Mais on reconnaît assez aujourd’hui que cette espèce de nécessité qu’on appelle hypothétique, qui vient de la prescience ou d’autres raisons antérieures, n’a rien dont on se doive alarmer au lieu qu’il en serait tout autrement, si la chose était nécessaire par elle-même, en sorte que le contraire impliquât contradiction. M. Hobbes ne veut pas non plus entendre parler d’une nécessité morale, parce qu’en effet tout arrive par des causes physiques. Mais on a raison cependant de faire une grande différence entre la nécessité qui oblige le sage à bien faire, qu’on appelle morale, et qui a lieu même par rapport à Dieu, et entre cette nécessité aveugle, par laquelle Épicure, Straton, Spinosa, et peut-être M. Hobbes, ont cru que les choses existaient sans intelligence et sans choix, et par conséquent sans Dieu, dont en effet on n’aurait point besoin, selon eux, puisque, suivant cette nécessité, tout existerait par sa propre essence, aussi nécessairement qu’il faut que deux et trois fassent cinq. Et cette nécessité est absolue, parce que tout ce qu’elle porte avec elle doit arriver, quoi qu’on fasse au lieu que ce qui arrive par nécessité hypothétique arrive ensuite de la supposition que ceci ou cela a été prévu ou résolu, ou fait par avance ; et que la nécessité morale porte une obligation de raison, qui a toujours son effet dans le sage. Cette espèce de nécessité est heureuse et souhaitable, lorsqu’on est porté par de bonnes raisons à agir comme l’on fait mais la nécessité aveugle et absolue renverserait la piété et la morale.

4. Il y a plus de raison dans le discours de M. Hobbes, lorsqu’il accorde que nos actions sont en notre pouvoir, en sorte que nous faisons ce que nous voulons, quand nous en avons le pouvoir, et quand il n’y a point d’empêchement ; et soutient pourtant que nos