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ESSAIS DE THÉODICÉE

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comment on puisse honorer Dieu par des expressions qui ne signifient rien. Peut-être que chez M. Hobbes, comme chez Spinoza, sagesse, bonté, justice ne sont que fictions par rapport à Dieu et à l’univers ; la cause primitive agissant, selon eux, par la nécessité de sa puissance, et non par le choix de sa sagesse ; sentiment dont j’ai assez montré la fausseté. Il paraît que M. Hobbes n’a point voulu s’expliquer assez, de peur de scandaliser les gens en quoi il est louable. C’est aussi pour cela, comme il le dit lui-même, qu’il avait désiré qu’on ne publiât point ce qui s’était passé à Paris entre l’évêque et lui. Il ajoute qu’il n’est pas bon de dire, qu’une action que Dieu ne veut point arrive parce que c’est dire en effet que Dieu manque de pouvoir. Mais il ajoute encore en même temps, qu’il n’est pas bon non plus de dire le contraire et de lui attribuer qu’il veut le mal, parce que cela n’est pas honorable et qu’il semble que c’est l’accuser de peu de bonté. Il croit donc qu’en ces matières la vérité n’est pas bonne à dire et il aurait raison, si la vérité était dans les opinions paradoxes qu’il soutient car il paraît, en effet, que, suivant le sentiment de cet auteur, Dieu n’a point de bonté, ou plutôt que ce qu’il appelle Dieu n’est rien que la nature aveugle de l’amas des choses matérielles, qui agit selon les lois mathématiques, suivant une nécessité absolue, comme les atomes le font dans le système d’Épicure. Si Dieu était comme les grands sont quelquefois ici-bas, il ne serait point convenable de dire toutes les vérités qui le regardent mais Dieu n’est pas comme un homme, dont il faut cacher souvent les desseins et les actions au lieu qu’il est toujours permis et raisonnable de publier les conseils et les actions de Dieu, parce qu’elles sont toujours belles et louables. Ainsi les vérités qui regardent la divinité sont toujours bonnes à dire, au moins par rapport au scandale et l’on a expliqué, ce semble, d’une manière qui satisfait la raison et ne choque point la piété, comment il faut concevoir que la volonté de Dieu a son effet et concourt au péché, sans que sa sagesse ou sa bonté en souffrent.

9. Quant aux autorités tirées de la sainte Écriture, M. Hobbes les partage en trois sortes ; les unes, dit-il, sont pour moi, les autres sont neutres, et les troisièmes semblent être pour mon adversaire. Les passages qu’il croit favorables à son sentiment sont ceux qui rapportent à Dieu la cause de notre volonté. Comme Gen. XLV, 5, où Joseph dit à ses frères « Ne vous affligez point et n’ayez point de « regret de ce que vous m’avez vendu pour être amené ici, puisque