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Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Ladrange, 1866, tome 2.djvu/557

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évidemment de là qu’en supposant l’éternité du monde, on ne se débarrasse pas de la raison dernière ultramondaine des choses, c’est-à-dire de Dieu.

Les raisons du monde sont donc cachées dans quelque chose d’extramondain différent de l’enchaînement des états ou de la série des choses dont l’agrégat constitue le monde. Il faut donc passer de la nécessité physique ou hypothétique, qui détermine l’état postérieur du monde d’après un état antérieur, à quelque chose qui soit la nécessité absolue ou métaphysique, dont on ne puisse pas rendre raison. En effet le monde actuel est nécessaire physiquement ou hypothétiquement, mais non absolument ou métaphysiquement. Étant donné, en effet, qu’il soit ce qu’il est, il s’ensuit que les choses doivent être telles qu’elles sont. Mais comme la racine dernière doit être dans quelque chose qui soit d’une nécessité métaphysique, et que la raison de l’existence ne se puise que dans quelque chose d’existant, il faut qu’il existe un être unique d’une nécessité métaphysique, ou dont l’essence est l’existence, et qu’ainsi il existe quelque chose qui diffère de la pluralité des êtres ou du monde, qui, comme nous l’avons reconnu et montré, n’est point d’une nécessité métaphysique.

Mais pour expliquer un peu plus clairement comment des vérités éternelles ou essentielles et métaphysiques naissent les vérités temporaires contingentes ou physiques, nous devons reconnaître que, par cela même qu’il existe quelque chose plutôt que rien, il y a dans les choses possibles, c’est-à-dire dans la possibilité même ou dans l’essence un certain besoin d’existence, et pour ainsi dire, quelque prétention à l’existence, en un mot que l’essence tend par elle-même à l’existence. Il suit de là que toutes les choses possibles, c’est-à-dire exprimant l’essence ou la réalité possible tendent d’un droit égal à l’existence selon leur quantité d’essence réelle, ou selon le degré de perfection qu’elles renferment : car la perfection n’est rien autre chose que la quantité d’essence.

Par là, on comprend de la manière la plus évidente que parmi les combinaisons infinies des possibles et les séries possibles, il en existe une par laquelle la plus grande quantité d’essence ou de possibilité soit amenée à l’existence. Et, en effet, il y a toujours dans les choses un principe de détermination qui doit se tirer du plus grand et du plus petit, ou de manière que le plus grand effet s’obtienne avec la moindre dépense. Et ici le lieu, le temps, en un mot, la réceptivité ou la capacité du monde peuvent être considérés