Page:Œuvres poétiques complètes de Adam Mic̜kiewicz, tome 1, 1859.djvu/162

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sourit trop vivement, l’ange modère ses clartés, rassemble sur sa couche le voile des illusions, et s’envole en soupirant ; mais, avant de s’envoler, il dépose des attraits nouveaux au chevet de l’enfant, avec des parures nouvelles : en sorte que sa pupille en s’éveillant se trouve, chaque matin, riche d’un nouvel amour chez Dieu et chez les hommes.

Oh ! je ne compterais pour rien les voluptés de mes jours, si je pouvais une seule nuit rêver de tes rêves !


VII.

MÈRE POLONAISE.


Ô mère polonaise ! lorsque l’éclair du génie brille aux paupières de ton fils, que l’antique valeur et l’antique fierté font une auréole à son front si jeune ; lorsque, fuyant les jeux de ses camarades, il s’en va chez le vieillard qui lui chante les airs de la patrie, ou bien, le front baissé, il écoute pensif les histoires des ses aïeux : ô mère polonaise ! préserve ton enfant de ces jeux terribles. Cours plutôt te jeter à deux genoux devant l’image de la Vierge douloureuse, et regarde le glaive qui déchire son sein ; car le sort va te frapper d’une atteinte aussi cruelle ! Oui, tandis que la paix fait refleurir le monde entier, dans une alliance de peuples, de dogmes, d’opinions, ton fils est appelé à des combats sans gloire, au trépas du martyre… sans espoir de résurrection. Ordonne-lui plutôt d’aller méditer dans la caverne solitaire ; étendu sur la paille, de respirer une vapeur moite et glacée, de partager sa couche avec le reptile immonde. Là, qu’il apprenne à déguiser ses joies et ses colères ; à creuser sa pensée comme un abîme, à rendre ses discours mystérieux et funestes comme la contagion : à se composer, comme le serpent, un maintien de froideur et