Page:Œuvres poétiques de François de Maynard, 1885, tome 1.djvu/137

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Et j’ay moins de souspirs quand j’ay plus de douleur :
Car si je me veux plaindre, hé ! ma langue se noue,
Mes pleurs, qui flot sur flot descoulent sur ma joue,
Plus que ma triste voix tesmoignent ma langueur.

Si je vay sanglotant mes douleurs non-pareilles,
Amour, pour ne m’ouyr, se bouche les oreilles,
Et pour ne me voir pas il serre son bandeau,
Mais si mon Astre luit ou lasche sa parolle,
Tout oreille et tout yeux, vers luy ce cruel vole,
Ravy d’un si doux charme et d’un astre si beau.

Mais puisqu’en mon malheur rien ne m’est secourable,
Douce mort, viens trancher par un coup favorable
La trame de ma vie et le fil de mes maux.
Car Amour et le Ciel, imployables complices,
Sur mon fidelle cœur forgeant mille supplices,
Foulent injustement mes amoureux travaux.

Au moins si ma douleur n’estoit point inconue,
Peut-estre la beauté dont j’ay perdu la veue,
Favorable à mes vœux alegeroit mon dueil :
Mais ce superbe Dieu, qui tient mon ame estrainte,
Deffend aux doux Zephirs de porter loin ma plainte,
Quand d’un mourant souspir j’appelle ce bel œil.