Page:Œuvres poétiques de François de Maynard, 1885, tome 1.djvu/136

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Cependant je languis eslongné de ta veue,
Attendant le retour de ton œil, mon doux Roy,
Et faudra que bien-tost ceste langueur me tue,
Ou bien que ton regard dissipe mon esmoy.

Le tour d’un pied glissant finit jà sa carriere,
Et les sombres flambeaux estincellent aux cieux :
Que si loin du soleil le monde est sans lumiere,
Helas ! je fuis sans ame esloigné de tes yeux.


STANCES.


Par un excez d’Amour mon ame s’est perdue.
Et un Soleil trop clair m’a desrobé sa veue,
Ainsi triste je vis et sans ame et sans yeux :
Mais las ! si l’on ne peut sans yeux voir la lumiere,
Ny se douloir sans ame, ô Desse escumiere,
Comment me puis-je plaindre, et comment voir les cieux ?

Mes yeux qui pour object n’avoient que tes doux charmes,
Sont maintenant changés en deux sources de larmes,
Et mon ame affligee en un rocher d’Amour ;
Son invaincible foy, jouet de l’infortune,
Contrelute l’effort de l’amoureux Neptune,
Dont le plus fier assaut affermit son sejour.

L’excez du fier regret qui me ronge en l’absance,
Fait avorter ma plainte au point de sa naissance,