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Scène 2

Cléande

Amour, qui sur les cœurs marche d’un pied superbe,
Et qui assubient soubs le joug de tes loix
La douce liberté des bergers et des Rois,
A blessé mon vouloir d’une si douce attainte,
Que je ressens mon ame à ses chaisnes estraintes,
Piteuse, souspirer pour un jeune berger,
Et mon desir au sien doucement se renger :
Mon œil n’a d’autre object que sa beauté parfaite,
Et si par fois le sien un regard sur moy jette,
Honteuse je rougis et sens un doux plaisir
Attizer lentement le feu de mon desir.
Plus le doux entretien de ma chere Silvie
N’a pouvoir de chasser les ennuis de ma vie ;
Je la fuis, et ne veux pour remom de mon mal
Qu’un antre solitaire, ou le bord d’un cristal
Dont le flot argenté marie à ma parole
Son enroué murmure : alors mon ame vole
Vers l’object de mes vœux sur l’aisle du penser,
Lors je benis cect œil qui me sçeut offenser,
J’embrasse son idole, et mon ame blessee
Se fait en ses transports une seule pensee.