Page:Œuvres poétiques de François de Maynard, 1885, tome 1.djvu/293

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Du silence importun, ennemy de mon aise,
C’est trop longtemps couvé mon amoureuse braise
Soubs une ingrate cendre ; il faut que desormais
Tu le sçaches Silvandre ; et que mon ame (ouy mais)
Ouy que mon ame, dis-je esgalement bruslee
Du charme de tes yeux s’advoue enforcelee.

Où es-tu mon Berger, en quel antre escarté
Souspires-tu, mon cœur, pour ma fiere beauté ?
Ne dois-je point souffrir, cher object de ma veue,
La moitié du soucy qui te lime et te tue ?
Ne te verray-je point allant que le Soleil
Precipite sa course aux ombres du sommeil ?
Je vois dans ces valons Tyrsis dont la musette
Ramene dans le parc sa troupe camusette
La la nuit est venue, et ja mille troupeaux
S’eslongnent peu à peu de ces herbeux coupeaux,
Et je ne te vois point. Quelque rive lointaine,
Où tu vas souspirant ton amoureuse peine,
Est le triste sejour où, pressé de ton dueil,
Tu blasmes la fierté de mon superbe orgueil :
Tu en as bien raison : ha ! ingrate Cleande,
Faut-il que ce Berger et nuit et jour respande
Aux pieds de ta beauté vit ocean de pleurs,
Et que tousjours helas ! insensible aux douleurs
Qui traversent son ame à tes loix asservie,
Tes fieres cruautez luy desrobent la vie ?
Non je veux desormais vivre pour tes beaux yeux,
Ou perdre, en te perdant la lumiere des cieux.