Page:Œuvres poétiques de François de Maynard, 1885, tome 1.djvu/315

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En vain à mon secours mon vainqueur je reclame,
Il est fourd à ma plainte, et se rit de mon dueil.
Plus comme auparavant le timide Chevrueil
Ne s’eslongne de moy d’une fuite legere.
Je ne crains plus les coups de ma fureur premiere,
Je sautelle folastre, et viande sans peur,
Cependant que l’Amour se repaist de mon cœur :
Les rochers, les forests et les antres sauvages,
Les vallons, les taillis, les preds et les rivage.
Des murmurants ruisseaux renforcent mes ennuis,
Par le ressouvenir de ce qu’ores je fuis :
Car jadis lors qu’Amour le Roy de rna pensee
N’avoit encor, helas ! mon ame traversee
Par le trait du bel œil seul Astre de mes yeux,
Je vivois mille fois plus contant que les Dieux
Qui là haut dans le Ciel se paissent d’Ambrosie :
Mais ores qu’un desir a mon ame saisie,
Le va, je viens, je cours, ça et là vagabond,
Nuit et jour devoré d’un souci qui profond
Dissipe le repos de mon ame captive ;
Jadis je reposois dessus la mole rive
Du cristal dont l’argent roule parmy ces prés
De mille belles fleurs doucement diaprés,
Et maintenant, ô Ciel, je ne trouue allegeance
Au souci qui me point, qu’en la ressouvenance
De la belle Cleande : ha ! nom tu m’es plus doux
Que le miel : mais helas ! Cleande où estes vous ?
Cleande mon soucy, faut-il que mon martire
Par vostre souvenir cruellement s’empire,