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XII
NICOLAS MACHIAVEL.

de mourir, il consigna ses volontés dernières dans un testament qui porte la date du 22 novembre de cette même année. « Dans ce testament, dit M. Artaud, il déclare qu’il laisse à Mariette, sa femme chérie, fille de feu Louis Corsini de Florence, ses dots énoncées dans un acte antérieur. Il déclare, en outre, qu’aussitôt après la mort du testateur, tous les colliers, les chaînes, les anneaux, tant de ladite Mariette que dudit Nicolas, tous les habits de laine, de lin, de soie servant à leur usage, — ad usum et dorsum et pro usu et dorso tam dictæ dominæ Mariettæ quam dicti Nicolai, — doivent être vendus. Le produit en sera employé en achats de crédits du Mont, — rentes payées par la république, — ou en biens immeubles. L’usufruit de la rente de ce produit appartiendra à Mariette, tant qu’elle sera veuve, et qu’elle mènera une vie de veuve, honnête et non autrement. La propriété sera aux enfants, et si Mariette se remarie, elle n’aura plus de droit à la rente. »

Au moment où il écrivait ces dispositions, au moment où, préoccupé de l’idée de la mort, il ne trouvait d’autres ressources pour assurer l’existence de sa femme que la vente de ses bijoux et de ses habits, Machiavel, sans aucun doute, était loin d’être riche. Sa place de secrétaire était évidemment pour lui le principal moyen d’existence ; mais cette place elle-même, il devait bientôt la perdre par un de ces brusques revirements politiques si fréquents dans l’Italie du moyen âge et de la renaissance.

Forcée de battre en retraite après la victoire de Ravenne, l’armée française, envoyée par Louis XII au secours de Florence, avait laissé cette ville abandonnée à ses propres forces, en présence des troupes espagnoles, pontificales et vénitiennes, réunies sous le nom d’armée de la Ligue. Cette armée, après avoir reconquis, sur les Français, le duché de Milan, marcha sur Florence pour y rétablir l’autorité des Médicis. Soderini, qui gouvernait alors la république en qualité de gonfalonier, voulut tenter de résister après avoir confié à Machiavel le soin d’inspecter les forteresses du pays et d’organiser la défense. On fit quelques préparatifs, et l’on était décidé à attendre l’ennemi lorsque les Espagnols envoyèrent des ambassadeurs. « Ces ambassadeurs, dit Machiavel dans une lettre adressée à Alphonsine Orsini, lettre où se trouve tout le détail de cette