Page:Œuvres politiques de Machiavel.djvu/284

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ombre de faire le bien, ne puissent se livrer au mal, et qu’ils ne jouissent que de ce crédit qui peut être utile et non nuisible à la liberté, ce que nous discuterons en son lieu.



CHAPITRE XLVII.


Les hommes, quoique sujets à se tromper sur les affaires générales, ne se trompent guère sur les affaires particulières.


Le peuple romain, fatigué, ainsi que nous l’avons dit, du nom de consul, voulait que les plébéiens pussent parvenir au consulat, ou qu’on en limitât l’autorité ; la noblesse, pour ne point avilir le pouvoir consulaire en faisant droit à l’une de ces deux demandes, prit un terme moyen, et consentit à la création de quatre tribuns revêtus de l’autorité des consuls et tirés indifféremment du sein de la noblesse ou du peuple. Les plébéiens triomphants crurent avoir renversé le consulat, et s’être élevés eux-mêmes à ce haut degré de puissance. Mais un fait digne de remarque, c’est que lorsqu’on procéda à l’élection de ces tribuns, le peuple romain ne nomma que des nobles, quoiqu’il eût pu les choisir tous dans son sein. C’est à cette occasion que Tite-Live dit : Quorum comitiorum eventus docuit alios animos in contentione libertatis et honoris, alios secundum deposita certamina, in incorrupto judicio esse.

Si l’on examine d’où naît cette différence, on verra qu’elle procède, je pense, de ce que les hommes qui se trompent souvent sur les résultats généraux d’une mesure sont moins sujets à l’erreur sur un fait particulier. Les plébéiens étaient persuadés en général qu’ils méritaient le consulat, parce qu’ils étaient plus nombreux dans la ville, et exposés à plus de périls dans la guerre,