Page:Œuvres politiques de Machiavel.djvu/286

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en avaient reçues ; qu’en conséquence il avait renfermé tout le sénat sous sa garde ; mais que, comme il ne croyait pas que leur intention fût de laisser la ville sans gouvernement, il était nécessaire, puisqu’ils voulaient massacrer les anciens sénateurs, d’en créer de nouveaux ; qu’il avait mis les noms de tous les sénateurs dans une bourse ; qu’il allait commencer en leur présence à les en tirer, et qu’à mesure qu’il en sortirait un, on le ferait mourir aussitôt qu’on lui aurait trouvé un successeur.

Il commence alors à tirer le nom d’un sénateur : à ce nom un cri universel s’élève ; on l’accuse d’orgueil, d’arrogance et de cruauté. Pacuvius demande soudain qu’on le remplace : toute l’assemblée rentre dans le silence. Au bout de quelques instants, le nom d’un candidat est prononcé : en l’entendant, l’un commence à siffler, l’autre à rire ; chacun lui adresse un reproche. Après plusieurs épreuves successives, tous ceux qu’on avait désignés furent jugés indignes du rang de sénateur. Pacuvius en prit alors occasion de leur dire : « Puisque vous êtes persuadés que cette ville serait en péril sans un sénat, et que vous ne pouvez vous accorder pour choisir de nouveaux sénateurs, je crois qu’il vaudrait bien mieux vous réconcilier avec les anciens ; car l’épouvante où vous venez de les plonger les aura tellement humiliés, que sans doute vous trouverez désormais en eux cette douceur et cette modération que vous cherchez dans d’autres. » Le peuple suivit cet avis, les deux partis se réconcilièrent, et il reconnut l’erreur dans laquelle il était, lorsqu’il fallut en venir à l’examen des individus.

Les peuples sont encore sujets à se tromper lorsqu’ils jugent les événements et leurs résultats d’une manière générale, et ne s’aperçoivent de leur erreur que lorsqu’ils les examinent en particulier.

En 1494, les principaux citoyens de la ville de Florence avaient été chassés ; il n’y avait plus de gouver-