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CHAPITRE XLIX.


Si les villes libres dès leur naissance, telles que Rome, ont de la peine à établir des lois qui conservent leur liberté, cela est presque impossible pour celles qui sont nées dans la servitude.


La marche et les progrès de la république romaine prouvent combien il est difficile d’organiser un gouvernement libre, où toutes les lois ne tendent qu’au maintien de la liberté. Malgré la multitude de toutes celles qu’avaient d’abord données Romulus, Numa, Tullus Hostilius, puis Servius, et en dernier lieu les décemvirs, dont l’établissement n’avait pas d’autre objet, chaque jour la marche du gouvernement découvrait quelque nouveau besoin qui exigeait la création d’institutions nouvelles.

C’est ce qui arriva lorsqu’on établit les censeurs, que l’on peut regarder comme un des remparts les plus fermes que Rome ait élevés pour protéger sa liberté, tant que sa liberté exista ; devenus en effet les suprêmes arbitres des mœurs des citoyens, ils furent une des causes les plus puissantes qui retardèrent la corruption du peuple romain.

On commit bien une faute dès l’origine même de cette magistrature en l’établissant pour cinq années ; mais peu de temps après cette faute fut réparée par la sagesse de Mamercus, dictateur, qui par une nouvelle loi réduisit la durée de cette charge à dix-huit mois. Les censeurs qui se trouvaient alors en exercice furent tellement irrités de cette mesure, qu’ils exclurent Mamercus du sénat ; conduite qui fut généralement désapprouvée et par le peuple et par les patriciens. Et comme on ne dit pas que Mamercus ait pu éviter cet outrage, il faut ou que l’histoire soit ici incomplète, ou que les lois ro-