Page:Œuvres politiques de Machiavel.djvu/320

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patrie, et il ne pouvait toutefois le divulguer, parce que l’indiscrétion pourrait ravir l’occasion de l’exécuter. Alors le peuple d’Athènes désigna Aristide pour qu’il lui révélât ce secret, et qu’on pût se conduire ensuite d’après son avis. Thémistocle lui fit voir en effet que toute la flotte de la Grèce, quoiqu’elle se reposât sur leur foi, était placée de manière à pouvoir être facilement prise ou détruite ; ce qui rendrait les Athéniens les seuls arbitres de la Grèce. Alors Aristide exposa aux Athéniens que le parti que conseillait Thémistocle était très-utile, mais aussi très-injuste : c’est pourquoi le peuple le rejeta unanimement. Philippe de Macédoine n’en eût point agi de la sorte, à coup sûr, non plus que les autres princes, qui, dans la violation de leur parole, ont vu un moyen plus certain qu’aucun autre de favoriser leurs intérêts et de s’agrandir.

Je ne parle point ici des infractions faites à un traité, et qui ont pour motif leur inobservation ; c’est une chose trop commune : mais je parle des traités que l’on rompt pour des causes extraordinaires ; et, par ce que je viens de dire, je reste convaincu que les peuples sont sujets à moins d’erreurs que les princes, et qu’on doit se fier à eux bien plus sûrement qu’à ces derniers.



CHAPITRE LX.


Comment le consulat et toutes les autres magistratures se donnaient dans Rome, sans égard pour l’âge.


Les événements successifs que rapporte l’histoire nous font voir qu’aussitôt que les plébéiens purent participer au consulat, Rome l’accorda aux citoyens sans