Page:Œuvres politiques de Machiavel.djvu/373

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niens qu’ils avaient naguère défendus et conjurèrent la perte du nom romain. Les Latins suivirent dans cette guerre le système d’après lequel nous avons dit plus haut que la plupart des guerres sont conduites ; ils s’abstinrent d’attaquer les Romains, mais ils défendirent les Sidicins, auxquels les Samnites faisaient la guerre avec la permission des Romains.

Ce qui prouve que les Latins furent excités par la seule conviction d’avoir été trompés, c’est le discours que Tite-Live met dans la bouche d’Annius Setinus, préteur latin, lorsque dans le conseil il s’exprime en ces termes : Nam si etiam nunc sub umbra fœderis œqui servitutem pati possumus, etc.

On voit donc que les Romains eux-mêmes, dès les premiers degrés de leur élévation, ne s’abstinrent pas de la fourberie : elle fut toujours indispensable à ceux qui, du plus bas degré, veulent monter au rang le plus élevé ; mais plus cette fraude se dérobe aux regards, comme celle qu’employèrent les Romains, moins elle mérite le blâme.



CHAPITRE XIV.


Les hommes se trompent souvent lorsqu’ils pensent adoucir l’orgueil par la modération.


On voit par de nombreux exemples que la modération, loin d’être utile, n’est que trop souvent nuisible, surtout lorsqu’on l’emploie avec des hommes qui, par envie ou par toute autre cause, ont conçu contre vous de la haine. Ce que dit notre historien à l’occasion de cette guerre entre les Romains et les Latins fait foi de ce que j’avance. En effet, les Samnites s’étant plaints à Rome d’avoir été attaqués par les Latins, la république, pour ne pas irriter ce dernier peuple, ne voulut pas lui