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Page:Œuvres politiques de Machiavel.djvu/374

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défendre de faire la guerre. Cette conduite, loin de calmer les Latins, ne fit au contraire que les exciter davantage et les engager à se déclarer plus promptement ennemis. C’est ce que manifeste le discours que tint dans le même conseil le préteur latin Annius, dont nous avons précédemment parlé, et qui s’exprimait en ces termes : Tentastis patientiam negando militem : quis dubitat exarcisse eos ? Pertulerunt tamen hunc dolorem. Exercitus nos parare adversùs Samnites, fœderatos suos, audierunt, nec moverunt se ab urbe. Unde hœc illis tanta modestia, nisi à conscientia virium et nostrarum et suarum ? On voit clairement, par ce passage, combien la patience des Romains accrut l’orgueil et l’insolence des Latins.

Ainsi jamais un prince ne doit chercher à manquer à son rang. S’il ne veut pas non plus faire une concession déshonorante, il ne doit rien céder par des traités, lorsqu’il peut ou qu’il croit pouvoir conserver l’objet qu’on lui demande. Quand les choses en sont venues au point qu’on ne puisse en faire l’abandon de la manière que je viens d’indiquer, il est presque toujours préférable de ne céder qu’à l’emploi de la force, plutôt qu’à la crainte de la force. Si, en effet, la crainte vous décide, vous transigerez dans l’espoir d’écarter la guerre, que le plus ordinairement vous ne pourrez éloigner ; car celui auquel vous aurez cédé par une lâcheté manifeste, loin d’être satisfait, exigera de vous quelque autre concession ; et ses prétentions s’accroîtront en proportion du mépris que vous lui aurez inspiré : d’un autre côté, vous ne trouverez pour votre cause que des défenseurs indifférents parce que vous leur paraîtrez ou trop faible ou trop lâche.

Mais si, au moment où vous découvrez les projets de votre adversaire, vous rassemblez vos forces, fussent-elles inférieures aux siennes, il commence par vous accorder son estime ; les princes qui vous environnent vous