Page:Œuvres politiques de Machiavel.djvu/398

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les antiques institutions, de les maintenir en vigueur, d’étendre leur influence, et de leur donner la vie, s’ils veulent qu’à leur tour elles assurent leur réputation et leur existence. Comme ils ne font que s’écarter sans cesse de cette route, ils s’éloignent en même temps de toutes les mesures que nous avons précédemment indiquées : d’où il résulte que les conquêtes, loin de contribuer à la grandeur des États, ne sont pour eux qu’un nouveau fardeau. C’est ce que je prouverai dans le chapitre suivant.



CHAPITRE XIX.


Les conquêtes faites par des républiques mal organisées, et qui ne sont pas le résultat d’une vertu semblable à celle des Romains, sont plutôt pour elles une cause de ruine qu’une source de grandeur.


Les opinions contraires à la vérité, qui sont établies sur les mauvais exemples que la corruption de notre siècle a introduits dans tous les États, sont cause que la plupart des hommes ne pensent point à s’affranchir du joug de la coutume. Qui aurait pu persuader à un Italien, il y a trente ans, que dix mille hommes d’infanterie auraient été capables d’attaquer en plaine dix mille cavaliers et autant de fantassins ? et non-seulement de leur résister, mais même de les battre, comme on le voit par l’exemple que j’ai déjà plusieurs fois cité de ce qui s’est passé à Novare ? Et quoique l’histoire soit remplie de pareils faits, on n’aurait cependant pas voulu me croire, ou si on avait ajouté foi à mes paroles, on aurait dit qu’aujourd’hui les troupes étaient mieux armées qu’à cette époque, et qu’un de nos escadrons d’hommes d’armes était capable de renverser un rocher, et à plus forte raison une troupe de fantassins : c’est