Page:Œuvres politiques de Machiavel.djvu/400

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

moyens d’y parvenir, ainsi que le font les républiques d’Allemagne qui, de nos jours, ont vécu ou vivent encore selon ces coutumes.

Mais, ainsi que je l’ai déjà dit en établissant la différence qu’il y a entre des institutions propres à exciter l’esprit de conquête, et celles qui n’ont pour but que la conservation de l’État, il est impossible qu’une république de peu d’étendue parvienne à demeurer en paix et à jouir de sa liberté ; car si elle respecte le repos de ses voisins, on ne respectera pas le sien ; cette agression lui inspirera bientôt et le désir et la nécessité des conquêtes : d’ailleurs, si elle n’avait pas d’ennemis au dehors, elle en trouverait bientôt dans son sein ; malheur que toutes les grandes cités ne peuvent éviter.

Si les républiques d’Allemagne peuvent subsister de cette manière, si elles ont pu durer un certain temps, il faut l’attribuer aux circonstances particulières dans lesquelles ce pays s’est trouvé, circonstances qui ne se sont point présentées ailleurs, et sans lesquelles elles n’auraient pu conserver une semblable existence. La portion de l’Allemagne dont je parle était soumise à l’empire romain, comme la France et l’Espagne ; mais lorsque Rome pencha vers sa ruine, et que le titre de l’empire passa dans ces contrées, les villes les plus puissantes, profitant de la lâcheté ou des besoins des empereurs, commencèrent à se rendre indépendantes, et se rachetèrent de l’empire en se réservant de lui payer un faible cens annuel ; de sorte que peu à peu toutes les villes qui étaient sujettes immédiates des empereurs, mais qui n’avaient point de princes particuliers, se sont rachetées de cette manière.

Dans le même temps où ces villes s’affranchissaient ainsi, plusieurs confédérations, telles que celles de Fribourg, des Suisses et autres, secouèrent le joug du duc d’Autriche, leur souverain. Elles prospérèrent d’abord, et acquirent peu à peu une telle extension que, loin d’être retombées sous le joug de l’Autriche, elles sont