Page:Œuvres politiques de Machiavel.djvu/437

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lorsqu’il fallut lever des soldats, ils semblèrent y mettre de la faiblesse, bien loin de déployer cette vigueur et cette activité qu’exigeaient les circonstances ; ils mirent tant de lenteur à prendre les armes, que c’est à peine s’ils purent joindre les Gaulois sur les bords de l’Allia, qui n’est éloignée de Rome que de deux milles ! C’est là que les tribuns assirent leur camp, négligeant les précautions les plus ordinaires, n’examinant point d’abord le terrain, et ne s’entourant ni de fossés ni de palissades ; n’usant enfin d’aucune des mesures dictées par la sagesse divine ou humaine. Dans les dispositions de la bataille, ils firent les rangs rares et faibles, de sorte que personne, ni capitaines, ni soldats, ne fit rien qui fût digne de la discipline romaine. Pas une seule goutte de sang ne fut versée, car l’armée entière prit la fuite avant d’avoir été attaquée ; la majeure partie chercha un asile à Véïes ; les autres se retirèrent vers Rome, et, sans oser rentrer dans leurs maisons, ils se réfugièrent dans le Capitole ; de sorte que le sénat, loin de songer à défendre Rome, n’en fit pas même fermer les portes. Une partie des sénateurs prirent également la fuite, et le reste suivit l’exemple de ceux qui s’étaient retirés dans le Capitole. Cependant ils adoptèrent, pour la défense de cette citadelle, quelques précautions qui se sentaient moins du désordre où Rome était plongée ; ils refusèrent d’y admettre les troupes inutiles, et y recueillirent tous les vivres qu’ils purent trouver, afin de pouvoir supporter un siége. Quant à la foule embarrassante des vieillards, des femmes et des enfants, le plus grand nombre chercha un refuge dans les villes du voisinage ; le reste demeura dans Rome, et devint la proie des Gaulois. Ainsi, quiconque aurait lu les grandes actions exécutées par les Romains tant d’années auparavant, et qui lirait ensuite l’histoire de ces temps, ne pourrait croire, en aucune manière, qu’il s’agit d’un seul et même peuple. »