méchants mêmes rougiraient de paraître mener une vie opposée à la sienne. Ceux dont l’exemple eut particulièrement dans Rome cette heureuse influence sont les Heraclius Cocles, les Scevola, les Fabricius, les deux Decius, les Regulus, et tant d’autres dont la conduite rare et vertueuse produisit dans la république des effets presque aussi puissants que ceux qu’auraient pu obtenir les lois et les institutions antiques. Si les châtiments que nous avons rapportés, joints à l’exemple donné par de simples citoyens, s’étaient reproduits dans Rome au moins tous les dix ans, il en serait nécessairement résulté qu’elle ne se fût jamais corrompue. Mais à mesure que ces exemples commencèrent à devenir plus rares, la corruption s’étendit, et Marcus Regulus est le dernier modèle qu’elle offre à notre admiration. Quoique Rome ait vu naître depuis dans son sein les deux Caton, il y avait si loin d’eux au temps où vivait Regulus, la distance même qui les sépare l’un de l’autre était si grande, ils parurent tellement isolés au milieu de la corruption générale, que l’exemple de leurs vertus fut perdu pour leurs concitoyens. Le dernier Caton surtout, trouvant la république en grande partie corrompue, ne put, par son exemple, rendre ses concitoyens meilleurs. Mais j’en ai dit assez pour ce qui concerne les républiques.
Ces réformes ne sont pas moins nécessaires aux religions, et l’exemple de la nôtre en est une preuve convaincante. Si saint François et saint Dominique ne l’avaient rappelée à l’esprit de son institution, elle serait aujourd’hui entièrement éteinte ; mais, en remettant en vigueur la pauvreté et l’exemple du Christ, ils la réveillèrent dans l’esprit des hommes, où elle était déjà expirante ; et leurs règles nouvelles ont conservé un tel crédit, que la corruption des prélats et des chefs de la religion n’a pu causer sa ruine. En effet, par la pauvreté de leur vie, par l’influence que leur donnent sur le peuple la confession et la prédication, ils sont parvenus à lui