Page:Œuvres politiques de Machiavel.djvu/458

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persuader que c’est un péché de médire, même du mal, et un mérite de vivre sous l’obéissance de ses chefs, et qu’on doit laisser à Dieu le soin de châtier leurs fautes : d’où il suit qu’on voit les prélats s’abandonner le plus qu’ils peuvent à leurs penchants criminels, parce qu’ils ne craignent point un châtiment qui ne frappe pas leurs yeux, et auquel ils ne croient point. Cette réforme a donc régénéré la religion, et c’est elle qui la maintient encore.

Les monarchies ont également besoin de se renouveler et de rappeler leurs lois à l’esprit de leur institution. C’est surtout dans le royaume de France que l’on découvre l’effet salutaire que produit cette conduite, son gouvernement, plus que tout autre, étant soumis à l’empire des lois et des institutions. Ce sont ses parlements, et surtout celui de Paris, qui en sont les conservateurs et les gardiens. Les constitutions de l’État sont remises en vigueur toutes les fois qu’ils portent une sentence contre un des princes du royaume, et que leurs jugements atteignent le roi lui-même. S’ils ont pu se maintenir jusqu’à nos jours, c’est pour s’être constamment opposés avec courage aux prétentions de la noblesse ; mais s’ils en laissaient une seule impunie, et qu’elles vinssent à s’accroître, il en résulterait nécessairement, ou que les abus ne pourraient se corriger sans de grands désordres, ou que le royaume tomberait en ruine.

Il faut conclure de ce que je viens d’exposer que, dans tout ordre social quelconque, soit qu’il appartienne à une religion, à un royaume ou à une république, rien n’est plus nécessaire que de lui rendre cette prospérité qu’il avait dans son principe, et de faire en sorte qu’il la redoive, soit à l’excellence de ses lois, soit à l’exemple des citoyens vertueux, et non pas à l’emploi d’une force étrangère. Quoique ce moyen soit quelquefois excellent, comme le prouve l’exemple de Rome, il est tellement dangereux d’en faire usage, qu’il faut plutôt craindre