Page:Œuvres politiques de Machiavel.djvu/469

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Giulio Belanti ne conjura contre Pandolfo, tyran de Sienne, que parce que ce prince, après lui avoir donné sa fille en mariage, la lui reprit, ainsi que nous le dirons ailleurs.

Le motif le plus puissant qui excita les Pazzi à conspirer contre les Médicis fut l’héritage de Jean Bonromei, qui leur fut enlevé par ordre de ces derniers.

Une autre cause non moins importante, qui engage les hommes à conspirer contre un prince, est le désir de briser le joug sous lequel il fait gémir la patrie : c’est là ce qui arma Brutus et Cassius contre César ; c’est ce qui mit le poignard à la main de tant de citoyens généreux contre les Phalaris, les Denys, et tant d’usurpateurs de leur patrie.

Le seul moyen qui reste aux tyrans pour détourner le cours de cette haine, c’est de déposer la tyrannie ; et, comme il n’en est aucun qui veuille embrasser ce parti, il y en a peu qui n’éprouvent une fin malheureuse ; ce qui a donné lieu à ces vers de Juvénal :


Ad generum Cereris sine cæde et vulnere pauci
Descendunt reges, et sicca morte tyranni.

__ ____ ___ ___ __ ___ ___Sat. X, v. 112, 115.


Les périls que portent avec elles les conjurations sont, comme je l’ai déjà dit, d’autant plus grands qu’ils sont de tous les instants ; car dans ces entreprises on court des dangers, lorsqu’on les trame, lorsqu’on les exécute, et après même qu’elles sont terminées. Ou c’est un seul homme qui conspire, ou les conjurés sont plusieurs : lorsqu’il est seul, on ne peut pas dire que ce soit une conjuration ; ce n’est que la ferme résolution née dans un homme unique de poignarder le prince : des trois périls auxquels on s’expose en conspirant, il n’a point à craindre le premier ; car avant l’exécution il ne court aucun danger, puisque personne que lui ne possède son secret, et qu’il ne redoute point que son projet vienne