Page:Œuvres politiques de Machiavel.djvu/491

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nent à leur suite ne sont encore que ceux attachés au pouvoir lui-même ; car lorsqu’un citoyen est devenu tyran, il se voit environné de tous les périls qui sont les fruits naturels de la tyrannie, et dont il ne peut se défendre qu’en employant les remèdes que nous avons indiqués ci-dessus.

Voilà tout ce qui s’est offert à mon esprit en écrivant sur les conjurations ; et si je n’ai parlé que de celles où l’on a employé le fer et non le poison, c’est que toutes deux suivent également la même marche. Il est vrai que celles où l’on use du poison sont plus dangereuses, parce que le succès en est moins assuré : chacun n’est pas à portée de l’employer ; il faut se confier à quelqu’un qui en ait la facilité ; et c’est cette nécessité de vous confier à autrui qui vous met en péril. D’ailleurs, il peut se faire, par mille circonstances, qu’un breuvage empoisonné ne soit pas mortel. C’est ce qui arriva à ceux qui tuèrent Commode : on lui avait donné du poison ; mais l’ayant rejeté, les conjurés furent contraints de l’étrangler pour lui arracher la vie.

Les princes, au surplus, n’ont pas d’ennemis plus terribles que les conjurations, puisque toutes les fois que l’on conspire contre eux, ou ils perdent la vie, ou leur réputation est compromise. En effet, si elles réussissent, ils meurent ; si elles sont découvertes, et qu’ils fassent périr les conjurés, on ne peut empêcher de croire qu’elles n’aient été inventées par eux pour assouvir leur cruauté et leur avarice aux dépens de la vie et des richesses de ceux auxquels ils ont ravi le jour.

Je ne veux pas manquer cependant d’avertir le prince, ou la république, contre lesquels on conspire, et qui découvrent une conjuration, d’avoir le plus grand soin, avant de rien tenter pour se venger, d’en examiner et d’en approfondir attentivement toutes les circonstances, de bien peser les ressources des conjurés et les leurs ; et, s’ils les trouvent nombreuses et puissantes, de feindre