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Page:Œuvres politiques de Machiavel.djvu/516

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rare et plus difficile, que si une semblable lâche avait été imposée à un grand nombre de capitaines illustres, bien peu d’entre eux auraient mérité leur réputation.


CHAPITRE XIV.


Des effets que produisent les inventions nouvelles qui apparaissent au milieu du combat, et les paroles inattendues que l’on y fait entendre.


On a vu, par une foule d’exemples, de quelle importance peut être, dans une émeute ou dans une bataille, un nouvel incident résultant d’une parole ou d’un événement inattendu. Un des plus frappants est ce qui arriva lors de la bataille que les Romains livrèrent aux Volsques, et pendant laquelle le consul Quintius, s’apercevant qu’une des ailes de son armée faiblissait, se mit à crier de tenir ferme, parce que l’autre aile était victorieuse. Ces paroles rendirent le courage à ses troupes, épouvantèrent les ennemis, et assurèrent la victoire.

Si de semblables paroles ont tant d’influence sur une armée bien disciplinée, combien cette influence n’est-elle pas plus puissante sur des troupes sans règle et sans ordre, qui se laissent toujours entraîner par un semblable tourbillon ! Je veux en rapporter un exemple remarquable de nos jours.

Il y a quelques années que la ville de Pérouse se trouvait partagée entre la faction des Oddi et celle des Baglioni : ces derniers triomphaient ; les autres étaient dans l’exil. Les Oddi ayant rassemblé une armée, à l’aide de leurs amis, se réunirent dans une place voisine de Pérouse, qui leur appartenait : à la faveur des intelligences qu’ils avaient conservées dans la ville, ils parvinrent à y pénétrer pendant la nuit, et ils étaient sur le point de s’emparer de la place publique sans avoir été