Page:Œuvres politiques de Machiavel.djvu/570

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lui Marcus Pomponius, tribun du peuple. Quoique la manière dont il le sauva eût en elle-même quelque chose de violent et d’extraordinaire, néanmoins la piété filiale qu’il fit éclater charma si fort la multitude, que, loin d’encourir la moindre réprimande lorsque l’on procéda à l’élection des tribuns des légions, il fut nommé le second.

Le succès qu’il obtint en cette circonstance m’a conduit à examiner sur quels fondements le peuple appuie le jugement qu’il porte des hommes pour la distribution de ses faveurs, et si, comme je l’ai avancé précédemment, il les accorde avec plus de discernement qu’un prince. Je dis donc que le peuple, lorsqu’il s’agit de fixer son choix sur un citoyen que ses actions n’ont point encore fait connaître, interroge la voix publique et la renommée, qui se forment, ou par conjecture, ou d’après l’idée que ce citoyen donne de lui. Cette double opinion a sa source dans la renommée des ancêtres, qui, dans leur temps, ayant par leur valeur illustré la cité, font présumer que leur fils leur sera semblable, jusqu’à ce que ses actions aient prouvé le contraire ; ou elle résulte de la conduite qu’adopte lui-même ce dernier. La meilleure qu’il puisse tenir est de fréquenter la compagnie des hommes graves, de bonnes mœurs, et dont la sagesse est généralement reconnue. Comme le plus sûr indice qu’on puisse avoir du caractère d’un homme est de connaître les personnes qu’il fréquente, il est évident que celui qui ne voit qu’une compagnie vertueuse ne peut manquer d’acquérir une excellente renommée, parce qu’il est impossible qu’il ne ressemble point par quelque endroit à ceux avec lesquels il vit. On acquiert encore la publique estime par quelque action extraordinaire et éclatante, quoique privée, et dont l’issue vous couvre de gloire et d’honneur.

De ces trois manières d’agir, propres à commencer la réputation d’un citoyen, il n’en est aucune qui en donne