Page:Œuvres politiques de Machiavel.djvu/571

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une plus grande que cette dernière, parce que celle qui dépend des ancêtres est si trompeuse, que les hommes ne s’y confient que faiblement ; et elle s’évanouit bientôt quand la vertu personnelle de celui sur lequel s’exerce le jugement de ses concitoyens ne l’accompagne pas.

La seconde, c’est-à-dire celle qui vous fait connaître par la société que vous fréquentez, est meilleure que la première ; mais elle est bien inférieure à la troisième, parce que tant qu’on ne voit de vous aucun acte qui naisse de votre propre vertu, votre réputation repose simplement sur l’opinion d’autrui, qu’il est extrêmement facile d’effacer. Mais la troisième, commencée et fondée par vos belles actions, vous donne dès le principe un tel renom, qu’il faut le démentir par bien des actions contraires avant de parvenir à le détruire.

Ceux qui naissent dans une république doivent donc suivre cette route, et chercher à s’illustrer d’abord par quelque action d’éclat. C’est ainsi qu’agirent une foule de jeunes Romains, soit en faisant rendre un décret avantageux au public, soit en dirigeant une accusation contre quelque citoyen puissant, comme transgresseur des lois, soit en faisant quelque autre action éclatante et nouvelle qui faisait parler d’eux. Non-seulement cette conduite est nécessaire pour commencer à se mettre en crédit, elle est indispensable pour le conserver et l’accroître.

Mais, pour réussir de cette manière, il faut renouveler les actions d’éclat, comme le fit Titus Manlius durant tout le cours de sa vie. En effet, à peine eut-il défendu son père d’une manière si courageuse et si extraordinaire, et par cette conduite obtenu sa première renommée, qu’on le vit, quelques années après, combattre et tuer ce Gaulois auquel il arracha le collier d’or qui lui fit décerner le nom de Torquatus. Mais cela ne lui suffit pas : et, dans la maturité de l’âge, il fit mourir son fils